Propriété de l'ambassadeur Tanner

20.

La fête était une véritable réussite , seule ombre au tableau: Colin. Elle avait voulu l’inviter à se détendre à la place de quoi, il lui avait déclaré de but en blanc qu’il ne la supportait pas. Génial! Elle aurait préféré qu’il le lui dise un autre jour que celui-ci, par exemple la prochaine fois qu’elle l’aurait énervé une fois de plus. A présent elle se rendait bien compte que c’était tout ce qu’elle parvenait à faire avec lui, l’énerver.. Évidement, vu qu’il ne la supportait pas.

Eli n’avait pas eu le temps de s’étendre sur le sujet, une fois ses amis arrivés. Ces derniers avaient rapidement investi la place, Rafa avait été ravi par le buffet et les barbecues, José et les autres avaient bien profité de la piste de danse aménagée au milieu du jardin, et tout le monde semblait bien s’amuser. Elle s’efforçait elle-même d’en profiter au maximum, mais son esprit n’arrêtait pas de lui balancer comme en boucle toutes ces paroles qu’il lui avait dit…

Personne jusque là, ne l’avait traité ainsi, mais le pire c’était que bien peu de monde ne résistait à son charme, tout son entourage, tous ses amis l’appréciaient énormément. Eli était une fille très joyeuse, avec beaucoup d’entrain, certes parfois elle abusait un peu et jouait des tours pendables surtout aux gens qu’elle trouvait trop pince sans rire, mais dans la majeur partie, tout le monde l’aimait bien.. Oui tous sauf Colin..

Elle fut tirée de ses pensées par l’arrivée d’un énorme gâteau. Eli ne s’était même pas rendue compte que les lumières s’étaient tamisées et que le silence s’était fait alors que son père suivait le personnel qui amenait l’énorme gâteau sur un chariot. Elle sourit et rit sous les flash et compliments de son père et entourée de tous ses amis s’approcha pour souffler les vingt bougies de son gâteau d’anniversaire.. C’était un chiffre magique, symbolique, il représentait un peu tout son passé de petite fille qui resterait dorénavant derrière elle, tandis que devant elle s’ouvrait un avenir d’adulte. Avenir sur lequel elle ne s’était pas beaucoup interrogée jusque là, se contentant de suivre le parcours type d’une jeune étudiante, mais il faudrait bien à un moment qu’elle choisisse une voie…

- et n’oublie pas de faire un vœu surtout!

Ses pensées furent interrompues par la voix de Suzi. Oui, il fallait qu’elle fasse un vœux, qu’elle fasse des choix. Mais si Colin avait raison? Et si après tout elle n’était qu’une gamine écervelée, une enfant trop gâtée qui n’en faisait qu’à sa tête. Soudain Eli se sentit très en dessous de tout ce que pouvait penser son père d’elle, de tous les espoirs qu’il semblait fonder sur sa fille. Inconsciemment elle chercha Colin du regard et quand leurs yeux se croisèrent, elle sut exactement ce qu’elle allait souhaiter. Elle inspira une grande bouffée d’oxygène et souffla sur toutes les bougies qui s’éteignirent toutes sous les acclamations de ses amis.

- alors tu as fait quel vœu?
- voyons Rachel, si elle te le dit, ça ne marchera pas!

Ses deux amies s’esclaffèrent ensemble, mais le regard qu’Eli posa sur son garde du corps n’échappa pas à Suzi qui l’embarqua un peu plus loin en passant un bras sous le sien.

- mon petit doigt me dit que ton vœu concerne cet homme là-bas..
- tsss Suzi! Tu viens de reconnaître toi-même qu’on ne devait pas révéler ses vœux, sinon ils ne se réalisent pas .
- ah mais je ne t’ai pas demandé de me le dire, je devine seulement que ce monsieur est peut-être concerné par ton vœu.. En tout cas si c’était moi, j’aurais souhaité qu’il se déride un peu..
- mouais..
- tu crois qu’il fait quoi pour s’amuser quand il a du temps libre?…
- *soupirs* j’en sais rien, Suzi, mais je me demande même s’il sait ce que s’amuser veut dire..
- Ah les filles, tenez, on vous apporte à boire..

Eli leva la tête pour voir approcher José, John et Rafa. Tous trois portaient des coupes du punch et arboraient un large sourire. Elle les dévisagea tour à tour, la mine dubitative.

- Je sais pas ce que vous mijotez tous les trois, mais je serai curieuse de découvrir ce dont il s‘agit...
- Tiens c’est pour toi, ma belle!

Eli tendit la main vers la coupe de punch et trempa ses lèvres dans la boisson. Aussitôt elle comprit ce qu’ils avaient fabriqué. Les trois amis pouffaient en se poussant du coude.

- ah ben voilà.. Qui donc a eu cette bonne idée?
- bah te fâche pas ma belle, tu pensais sincèrement qu’on allait pouvoir faire la fête avec des cocktails sans alcool?.. Alors qu’au fond, il suffit de mélanger quelques belles bouteilles d’un truc ou l’autre et Paf!! Tout de suite c’est beaucoup plus drôle! A ta santé Eli !!

Ils riaient à présent tous ouvertement et choquaient leur coupe l’une contre l’autre. Après tout José avait raison. Eli se souvint de toutes les fois où Colin l’avait traitée de gamine écervelée ou irresponsable. Alors ce soir elle allait lui prouvait qu’il avait raison.. Même si d’ordinaire, elle n’était pas chaude pour se laisser aller à ce genre d’amusement, cette fois-ci Eli décida qu’elle n’avait plus rien à perdre.. Quelques coupes plus tard, son père s’était à nouveau réfugié dans la villa et Elisha se déhanchait sur la piste de danse, déjà pas mal ivre. Les gars n’y avaient pas été de main morte avec les alcools qu’ils avaient ajouté dans le punch.

Musique!

José ne tarda pas à la rejoindre, se collant contre elle dans son dos, et se déhanchant en suivant les mouvements d’Eli qui se laissait aller à la musique, sa seule passion.. Les mains de son ami se posèrent sur ses hanches, comme si elles étaient les maîtresses des ondulations de son corps. José se pencha un peu plus dans son cou. Eli redressa un peu la tête et aperçu Colin non loin. Elle plissa le regard un instant perdant son sourire, puis éclata de rire sans aucune raison, si ce n’était pour provoquer un peu plus son garde du corps. Et comme si cela ne suffisait pas, elle ondula encore plus sensuellement des hanches, posant sa tête sur l’épaule de José et leva les bras au dessus d’elle, l’un encerclant la nuque de son partenaire qui caressa le dessous de ses bras, se collant encore plus contre elle. Il finit par embrasser la peau juste dans son cou, pour remonter sous le lobe de l’oreille.

Elle n’eut pas le temps de réagir qu’elle entendit John débouler derrière eux pour les pousser brusquement. Elle poussa un cri avant d’atterrir dans la piscine, aussitôt rejointe par toute une équipe de gars et de filles qui comptaient aussi en profiter. Personne n’était vêtu de manière adéquate mais tous semblaient s’en moquer royalement, Eli y compris. Le tissu se plaquait à présent contre sa peau, laissant tout deviner de ses formes. Comme les autres, elle s’amusa à les éclabousser dans une grande partie de rigolade, ils profitèrent encore un peu de ces jeux d’eau, puis finalement frissonnante, Eli décida de remonter se changer.

Un peu ivre, ou beaucoup, au fond elle ne savait plus vraiment, elle arriva en riant dans sa chambre. Elle eut un peu de peine à retirer la robe qui collait à sa peau puis enfila une jupe et un top. Elle s’assit sur le bord de son lit pour enfiler une paire de chaussure et son regard tomba sur la rose rouge. Perplexe elle la fixa un instant et la prit dans sa main pour en caresser les délicats pétales, puis vit le petit paquet qui était à côté.

Ses yeux s’arrondirent de surprise alors qu’elle saisissait déjà l’objet pour découvrir ce qu’il contenait. Qui lui avait fait ce présent? Son père? Non.. Elle en doutait, il ne s‘y serait pas pris de cette manière et de plus cette rose rouge n‘était pas le geste d‘un père, mais qui alors?. Elle poussa un « Oh!« ravi quand elle découvrit le précieux bijou. Ses yeux brillèrent autant que le petit diamant incrusté dans l’or blanc et ses doigts caressèrent les perles roses. Le bijou était ravissant et même plus. Elisha se redressa et se dirigea devant son miroir pour accrocher le collier, mais comme l’alcool avait des effets pervers sur la précision de ses gestes, elle n’y parvenait pas. Elle se demanda encore qui avait pu glisser ce cadeau sur son lit tout en s’énervant avec le fermoir du collier.

(25)

La température était montée dès le départ de Tanner père qui avait rejoint définitivement son bureau pour travailler certainement toute la nuit sur des dossiers importants. Colin lui n'avait pas quitté la fête, bien qu'il n'y avait pas participé, il soupçonnait que de l'alcool ait pu tourner durant la soirée bien qu'il n'en avait aucune preuve, il n'était pas complètement idiot et il savait très bien comment ce genre de fêtes dégénéraient.

Mais ce n'était pas son boulot de faire la police à cette petite soirée, il était juste là pour veiller sur sa petite protégée qui se dandinait sur la piste de danse avec son petit ami, lui lançant de temps à autre des regards auxquels il répondait à peine mais qui semblaient la motiver à pousser la provocation de ses actes beaucoup plus loin, ondulant des hanches avec volupté et sensualité contre son partenaire qui ne se gênait pas pour poser ses mains un peu partout sur son corps.

Une masse fondit alors sur le couple et ils finirent à trois dans la piscine, rejoints aussitôt par d'autres jeunes qui voulaient également en profiter, Colin par réflexe s'était avancé d'un pas pour vérifier qu'aucun incident n'avait eu lieu mais Eli semblait en pleine forme bien qu'elle avait les traits légèrement tirés, signe soit de fatigue soit d'une consommation déjà bien avancée d'alcool.

Il remonta nerveusement sa main dans ses cheveux bruns, se maudissant de réagir toujours au quart de tour et de s'en faire pour un rien mais c'était pour cette raison qu'il était bon dans son domaine et il devait toujours maitriser toutes les situations sans faire voir ses faiblesses. La petite blondinette finit par quitter la piscine, complètement trempée, sa robe presque transparente maintenant mettant en avant ses sous-vêtements affriolants.

En moins de deux et sans vraiment marcher très droit elle avait quitté la petite fête toute seule pour rejoindre le premier étage, le regard de son garde du corps dans son dos qui ne bougea pas du post où il était avant une bonne dizaine de minutes, s'inquiétant de ne pas la voir redescendre et il abandonna à son tour les fêtards pour monter les marches menant au premier étage, s'affichant quelques instants plus tard au seuil de la porte de sa chambre, l'observant en train de s'énerver seule devant son miroir, visiblement elle avait mit la main sur son présent.

Il entra alors silencieusement dans la chambre et vint se placer derrière elle, son regard croisant celui de sa protégée dans la glace, posant ses mains sur les siennes pour arrêter son geste et la remplacer.

« Laissez-moi faire avant de vous étrangler avec. »
« Si moi je n'y arrives pas, ce n'est pas vous qui... »
« C'est fait. »

En quelques secondes seulement il avait résolu un problème sur lequel elle s'agaçait depuis cinq minutes et elle ne cacha pas son étonnement dans la glace, ses doigts venant effleurer la monture et les perles roses, ce collier était fait pour elle, et si...

« Comment saviez-vous comment le fermer ?! »
« C'est mon boulot de tout savoir... »

Colin dégageait toujours cette indifférence maladroite qu'il appliquait depuis qu'ils s'étaient accrochés dans la voiture. Eli fronça légèrement les sourcils et perça ses petits yeux sombres des siens, cherchant à y discerner une vérité frappante.

« C'est vous n'est-ce pas ?! »
« Mh ? »
« Qui m'avez offert ce collier. »
« Qu'est-ce qui vous fait penser ça ?! »
« Ce n'est pas le genre de mon père.. »
« Et votre petit ami ?! »

Les lèvres de son garde du corps s'étirèrent en un petit sourire malicieux et elle comprit aussitôt qu'il ne répondrait jamais sincèrement à cette demande, du moins pas ce soir et puis quelle idée, il n'avait aucune raison de faire un bon geste vers elle puisqu'il ne pouvait pas la supporter mais ce petit bijou devait couter une fortune et elle imaginait mal José lui offrir un truc du genre, il était trop immature pour ça. Enfin, elle serait bien vite fixée.

Les mains de Colin étaient restées posées sur ses épaules même quand il eut fini et elle se dégagea d'un geste brusque de son étreinte en faisant volte-face, manquant malheureusement à cause des vapeurs de l'alcool de perdre l'équilibre, il la retint in-extremis dans ses bras et ses petites mains s'agrippèrent à la chemise de son garde du corps tandis qu'elle relevait son visage sur lui.

Ils étaient si près l'un de l'autre, la tentation était si grande que Colin sentit un frisson remonter le long de son échine mais avant qu'il n'analyse la situation, José entra dans la pièce, avec toujours son tact et sa discrétion habituelle.

« Qu'est ce que vous lui faites encore ?! Lâchez-la ! »
« Elle a faillit tomber. »
« Ouais ouais c'est ça, toutes les excuses sont bonnes pour la tripoter ! »
« Ca c'est votre domaine, n'inversez pas les rôles. »
« Et c'est c'qui vous rend malade hein ?! »
« Ca suffit ! Arrêtez de vous chamailler comme des gosses à chaque fois, ça m'agace. »
« Désolé ma puce, mais ce mec m'énerve. »

José traversa alors la pièce et arracha littéralement Eli des bras de Colin, pour l'attirer contre lui, mettant une bonne distance entre elle et son garde du corps avec lequel il échangea un regard noir, lançant des éclairs. Ce branleur le mettait sur les nerfs à chaque fois mais cette fois il était hors de question qu'il se laisse prendre au jeu et il tourna les talons pour quitter la chambre, ce n'était pas sa place.

Adossé contre la porte il attendit un moment pour être certain que tout irait bien et il entendit le début de la conversation entre eux.

« Tu aimes mon nouveau collier ? »
« Oui, il te va à merveille comme tout l'reste, c'est un cadeau d'ton père ?! »

Elle savait...
Colin se décolla de la porte de la chambre de sa protégée et redescendit à la fête au rez de chaussé pour vérifier l'ampleur des dégâts.

(suite: sur la route...)

(27)

Autoroutes..

Musique..

José s'était presque barré en courant pour fuir l'incident et Eli s'était laissée tomber lourdement sur le sol comme une enfant, le visage entre ses mains, souillant ses joues de ses larmes alors que son corps était secoué des sanglots qui la perturbaient. Derrière en paysage se trouvait la locomotive qui avait fini par freiner et plus loin le chauffeur descendait déjà pour aller à la rencontre des survivants pour s'assurer qu'il n'y avait aucun blessé.

« Eyh ! Tout va bien ? Y a des blessés ? »
« Elle est vivante... »
« Bon dieu, qu'est-ce qui s'est passé ? »
« La Ferrari a visiblement calé au milieu des voies, ça arrive. »
« Heureusement que j'ai pu anticiper l'accident, ça aurait pu être pire. »
« Vu l'état de la carcasse j'en doute. »

L'homme d'une cinquantaine d'années, assez gras et en tenue de cheminot, se gratta la tête alors que Colin restait d'un calme à tout épreuve, extirpant enfin son paquet de cigarette écrasé de la poche de sa chemise pour en sortir une qui avait par chance échappée au massacre. Il la porta aussitôt en bouche et l'alluma d'un geste machinal, inhalant une longue bouffée de nicotine tout en observant au sol sa protégée qui pleurait toujours, visiblement dans son monde.

« Qu'est-ce qu'elle a ? »
« Le choc, ça va lui passer. »
« J'ai prévenu les autorités, ils seront là dans quelques minutes. »
« Je vous laisse vous en charger. »
« Quoi ? Mais où allez-vous ? »
« On rentre. »

Le conducteur de la Loco haussa un sourcil, très surprit qu'ils prennent tous les deux si rapidement la fuite en le laissant se charger du sale boulot, sa femme allait encore lui passer un savon ce soir, enfin... Colin s'approcha d'Eli, recroquevillée sur elle-même et il posa sa main sur son épaule en s'accroupissant devant elle, lui provoquant un sursaut suivit d'un sanglot qui ne lui fit pas pour autant relever la tête vers lui.

« On rentre. »

Répéta-t-il sur le même ton que tout à l'heure et pour éviter les complications il la prit tout bonnement dans ses bras pour la porter jusqu'à la Ford Torino dont le capot méritait un nouveau coup de peinture, après les petits débris qui y étaient tombés. Il fit prendre place à sa protégée sur le siége passager et lui attacha sa ceinture pour plus de sécurité, refermant soigneusement sa portière pour ne pas la brusquer et prit place à son tour derrière le volant. Le cheminot s'avança alors vers le véhicule et posa ses mains sur sa portière, visiblement tracassé.

« Et qu'est-ce que je leur dis moi aux flics ? »
« Dites-leur la vérité.. qu'il y a eu une collision avec une voiture sans passager sur la voie ferrée. »

Un souffle de vent glacial pénétra dans le véhicule et Colin remonta au trois quarts sa vitre pour éviter que sa protégée n'attrape froid, ça aurait été la cerise sur le gâteau. Il tira sur sa cigarette puis démarra, enclenchant la marche arrière pour se sortir de cette impasse et faire demi-tour cent mètres plus loin, rejoignant le carrefour qu'il avait emprunté plus tôt pour prendre à droite alors que des gyrophares provenaient au loin de la gauche.

Il alluma ses phares et la Ford Torino disparut dans les rues sombres d'Heaven Island pour rejoindre calmement Lorena Hills. Colin n'avait pas échangé un seul mot avec Eli pendant tout le trajet, il n'était pas vraiment d'humeur à établir la moindre conversation, déçu par son comportement et elle n'était pas en état de polémiquer avec lui, cet incident l'avait sérieusement marqué et c'était compréhensible. Cependant il n'omettait de lui jeter de temps à autre des regards plus ou moins inquiets.

Le véhicule passa les grilles de la propriété une demi-heure plus tard et ce fut le calme qui les accueillit, tous les invités avaient été mit à la porte dès le départ d'Eli et de son garde du corps et il régnait dehors un vrai capharnaüm mais il était trop tard pour s'occuper du rangement et le personnel de maison s'en chargerait certainement au matin, tout comme ils auraient tous les deux droits à une belle remontrance de la part de Tanner père quand il aurait apprit la mésaventure et que les autorités l'auraient contacté au sujet de la Ferrari.

Colin coupa le moteur et il descendit de la voiture et en fit le tour pour faire sortir sa protégée qu'il reprit dans ses bras, plus protecteur qu'il ne l'avait jamais été avec elle et ils entrèrent dans la villa familiale et montèrent à l'étage pour rejoindre la chambre de celle-ci dont il referma du pied la porte pour éviter de réveiller quelqu'un, l'allongeant sur son lit avec calme et prudence.

« Reposez-vous, on parlera de tout ça demain matin. »

Il voulut tourner les talons mais Eli sortit enfin de sa léthargie et lui attrapa brusquement le poignet pour le retenir.

« Colin... »
« Oui ? »
« Merci. »

Ce mot à lui seul fit tomber toutes les barrières morales que son garde du corps s'était fixé et sa froideur d'habitude inébranlable se brisa en morceau sous le poids des larmes qui coururent librement sur ses joues alors qu'il serrait les dents, retenant les sanglots qui secouaient son corps à son tour. Eli releva les yeux sur lui et à l'éclairage de sa lampe de chevet elle se rendit compte de la chose, stupéfaite qu'un homme comme lui puisse éprouver.

« Colin ? »
« Stupide... vous êtes trop stupide Elisha.. »

Il serra les poings et son corps entier trembla alors qu'il baissa les yeux sur elle, son regard la perçant de toute part, il l'attrapa alors soudainement par les épaules pour la relever et lui faire face, lui arrachant de nouveau un cri de surprise qu'elle ne sut contenir, tremblante dans sa poigne puissante.

« J'ai cru vous perdre... un instant j'ai cru... »

Sa gorge se noua et ses mots moururent dans sa bouche, il se pencha subitement sur elle et ses lèvres vinrent s'écraser avec force sur sa bouche pour lui arracher un baiser passionné, sans égal comparé à tout ce qu'elle avait connu jusque là. Ce n'était pas un baiser d'adolescent mais un baiser d'homme qui s'était sincèrement inquiété pour elle et dont la vie venait d'être totalement bouleversée.

« Dormez maintenant ! »

Et il s'échappa, aussi rapidement qu'il était venu à elle pour faire volte-face et quitter sa chambre d'un pas empressé et lourd, refermant avec plus de dureté la porte derrière lui cette fois pour s'enfermer ensuite dans sa chambre où il passerait une nuit agitée en attendant que l’aurore ne le tire du sommeil et chasse au loin ses cauchemards.

23.

Pendant un instant, elle crut qu’il allait à nouveau la frapper. Eli le dévisageait, de plus en plus stupéfaite par les réactions de cet homme. Il était bouleversé. Elle se demandait comment un homme aussi rustre que lui pouvait être ému aux larmes quand il lui donna un début de réponse:

- J'ai cru vous perdre... un instant j'ai cru…

Ses yeux plongés dans les siens, les mains de Colin toujours fermement accrochées à ses épaules, elle attendait la suite, retenant sa respiration. Il avait eu peur de la perdre? On ne craignait de perdre que les gens qu’on aimait, mais Eli n’eut pas le temps d’approfondir la question. Colin se pencha et s’empara de ses lèvres dans un baiser ardent, sauvage.

D‘abord surprise, elle se laissa aller contre le torse de Colin, mais déjà il repartait, la laissant les jambes flageolantes. Elle rouvrit les yeux sur une porte fermée, levant une main vers son visage, caressant du bout des doigts ses lèvres. « Dormez! », il en avait de bonne, il voulait qu’elle dorme après ça…

Elle était même incapable de bouger et resta encore un long moment ainsi, regardant toujours la porte, des pensées les plus inopportunes l’une que l’autre noyaient son esprit la rendant de plus en plus confuse. Elle se laissa choir sur le lit, restant assise un moment, sans arriver à démêler ses pensées. Puis la fatigue eut raison d’elle, en une minute ses vêtements atterrirent sur le sol. Eli se glissa dans les draps frais et s’endormit rapidement. La dernière image qui s’imposa à son esprit ne fut pas celle de la Ferrari explosant devant ses yeux, mais le visage de Colin qui se penchait au dessus du sien.

_______________________


- Elisha!! Elisha Tanner !!

Eli ouvrit ses yeux, clignant plusieurs fois des paupières avant de rouspéter et d’enfoncer à nouveau la tête dans l’oreiller, glissant ses bras en dessous.

- Eli, Bon sang!! Elisha!

La porte que Kurt venait d’ouvrir brutalement, alla claquer contre le mur, réveillant pour de bon cette fois Elisha qui se redressa d’un seul coup sur son séant, se frottant ses petits yeux avant de les poser sur son père qui s’était posté bras croisé devant son lit. Au même moment, Colin entra en coup de vent dans la chambre alerté par les cris de l’ambassadeur.

- qu’est-ce que.. ?

Eli nue sous ses draps, tira le tissu plus haut sur sa poitrine, regardant tour à tour les deux hommes. Kurt se tourna vers Colin.

- Tiens, vous tombez bien vous.. Eli, tu devrais porter quelque chose pour dormir!
- Papi? Qu’est-ce qu’il y a?
- Qu’est-ce qu’il y a?? Et elle me demande ce qu’il y a!!! ça serait plutôt à moi de te demander ça, tu ne crois pas?

Son père semblait très énervé et contre elle, ce qui était plutôt rare. Eli jeta un regard en biais à Colin, ce dernier avait glissé ses pouces dans les poches de son jeans, affichant toujours ce même air impassible, évitant de la regarder. Et puis tout lui revint d’un seul coup, elle avait failli oublié. Son visage prit quelques couleurs. Eli n’avait pas eu le temps de réfléchir à ce qu’elle dirait à son père. Elle commença d’une voix hésitante..

- Oh je suppose que tu es au courant pour la voiture..
- Au courant? Non, je crois qu’on me cache pas mal de chose dans cette maison, et que ma propre fille me fasse des mystères, je.. Je ne peux pas comprendre.
- Mais je voulais t’en parler .. T’expliquer mais….
- Et bien parle! Ou je dois demander à ton garde du corps?? Car c’est bien vous qui étiez sur les lieux de .. De cet accident?.. On m’a appelé, la police m’a appelé pour me dire que la voiture que je venais d’offrir à ma fille était partie en poussière!! Déjà là j’ai cru que mon cœur allait s’arrêter mais non! Le pire c’est quand on m’a expliqué dans quelles circonstances!!! Un train,, Bon sang Eli UN TRAIN !! MAIS TU ETAIS OU TOI ? Pendant un moment j‘ai cru qu‘on allait m‘annoncer la pire nouvelle qu‘on puisse m‘annoncer..

Kurt souffla un coup passant une main derrière son oreille, signe indubitable de sa colère. Il tremblait presque. Il regarda à nouveau Colin qui semblait attendre que la tempête se calme.

- Et vous Monsieur Preston, je croyais vous avoir chargé de la sécurité de ma fille!!

Eli se redressa sur ses genoux, posant une main sur le bras de son père, tenant toujours de son autre main, le drap contre elle.

- Non attends papa, tu ne dois pas t’en prendre à lui… Tout est de ma faute..

Elle baissa la tête après avoir jeté un coup d’œil à Colin qui cette fois ne cherchait plus à éviter son regard. Et se rassit sur ses talons, des mèches de ses cheveux lui retombant sur son visage. Dans le soleil matinal, elle offrait un tableau charmant, mais la tension dans la pièce était palpable et empêchait d’apprécier l’image.

- On a prit la voiture avec José… on voulait l’essayer, enfin au début je ne voulais pas et euh on avait bu, ils avaient mélangé de l’alcool au punch… J’avais pas les idées très claires quand on s’est retrouvés sur l’avenue principale de Lorena. Oh Colin, hum monsieur Preston était là, il nous avait suivi et euh, il a même essayé de nous faire stopper la voiture mais euh…. Enfin José voulait s’amuser, moi aussi, et puis… et puis ensuite on est arrivé sur la voix ferrée et c’est là que tout s’est compliqué. La voiture est tombée en panne! Elle ne voulait plus redémarrer et.. Et tout à coup on a entendu le train qui arrivait et…… …. C’est là que C… monsieur Preston m’a tirée hors de la voiture, juste avant que le train ne… euh tu connais la suite.

Elle avait fini en murmurant presque, sans oser regarder son père qu’elle devinait tendu à l’extrême. Un silence de mort régna un instant dans la pièce. Kurt le rompit enfin, parlant d’une voix qu’il espérait calme, mais trop calme peut-être, ce n’était pas bon signe non plus.

- Ainsi vous avez sauvé la vie de ma fille?…Monsieur Preston, vous aurez ma reconnaissance éternelle.. Quand à toi Eli, je ne peux plus te laisser continuer à te comporter de la sorte. Tu as eu la vie trop facile jusque là, et c’est en grande partie de ma faute..

Il se détourna d’elle pour aller se placer devant la baie vitrée, laissant son regard errer dans le jardin que le personnel remettait peu à peu en ordre. Encore une fois, il passa sa main derrière son oreille puis frotta son menton. Eli n’osait ouvrir la bouche, elle l’avait rarement vu aussi .. Dur avec elle. Après un moment qui lui sembla interminable, son père daigna enfin lui faire face à nouveau, et en la regardant avec un air navré, il donna sa sentence.

- L’argent, les biens dont je dispose aujourD hui ne sont pas tombé du ciel. J’ai du travailler dur pour en arriver là, je me suis donné beaucoup de mal pour que tu vives confortablement. Hum, je crois que tu devrais toi aussi voir comment on gagne durement sa vie, et pour te donner une bonne leçon, autant faire les choses comme il faut.

Eli commençait à prendre peur. Son père ne lui avait encore jamais tenu de tels discours. Elle jeta un regard affolé à Colin, mais il ne lui serait d’aucune aide sur ce coup.

- J’ai un cousin éloigné qui tient une ferme au Texas, un ranch pour être plus précis. C’est une branche de la famille que j’ai un peu perdu de vue, mais je suis certain qu’il serait d’accord pour t’accueillir chez eux. Il a une charmante famille, euh une fille qui doit avoir un peu moins de ton âge, et deux autres enfants plus jeunes.

Eli, complètement ébahie se leva précipitamment oubliant qu’elle ne portait rien en dessous et manquant de laisser tomber son drap qu’elle rattrapa au dernier moment.

- Papi!! Tu n’y penses pas sérieusement ?.. Je euh.. Une ferme !.. Mais je vais faire quoi dans une ferme? Et .. Et .. Pourquoi?.. C’est , c’est un peu fort! Je suis plus une gamine, tu peux pas m’obliger à.. Merde.. Colin, dites quelque chose, vous étiez là et… et..

Elle en bafouillait tant elle ne s’attendait pas à cette étrange décision. Mais à voir la lueur moqueuse dans le regard de Colin, il ne comptait visiblement pas lui prêter main forte. Mais bon c’est vrai qu’il avait déjà donné. Cela n’empêcha pas Eli de le fusiller du regard, même si au fond, elle savait qu’elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même.. Mais tout de même!! Une ferme perdue au fond de la campagne!! Au secours.. Là, Eli pouvait paniquer..

( 28 )

Ca il fallait qu'elle s'y attende, après ce qu'elle avait fait la veille, il était hors de question qu'elle s'en sorte cette fois sans être sujette à une petite, même à une grosse remontrance. Tanner père était entré dans sa chambre à la volée et lui avait soufflé dans les bronches pendant que Colin, sur le pas de la porte, admirait le spectacle avec un petit sourire énigmatique écrit sur les lèvres, ce n'était pas lui qui avait vendu la mèche malheureusement mais le show n'en était pas moins jouissif.

Il espérait que cette petite expérience lui mettrait du plomb dans la tête mais en toute sincérité il ne se leurrait pas vraiment, c'était une fille pourrie gâtée et elle était trop insouciante et irresponsable pour murir d'un coup de baguette magique et quand la sanction tomba il cru qu'il allait s'étouffer de rire, c'était assez comique d'imaginer Eli à la campagne, dans une ferme, elle qui n'avait jamais rien glandé de sa vie allait devoir mettre la main à la patte mais Colin avait négligé un tout petit, minuscule détail, sa protection sur place.

Tanner et sa fille le regardait tous les deux, elle avec un regard suppliant et lui avec dureté, oh bien sur il n'avait rien contre lui, puisque évidemment il lui était reconnaissant d'avoir sauver la vie de sa fille chérie mais il ne pouvait pas se permettre de laisser celle-ci seule au milieu de nul part, elle n'était pas assez débrouillarde pour ça et qui sait dans quelle histoire elle se mettrait encore, il fallait quelqu'un pour la surveiller de près et Colin était à ses yeux, le meilleur qualifié pour ça.

Mais Eli qui se sentit soudainement furieuse contre lui alors qu'elle venait de prendre sa défense, prit les devants et pointa du doigt son garde du corps, s'annonçant d'un ton exigeant et glacial.

« Si j'dois y aller, alors il m'accompagne ! »
« Hein ? Quoi ? »
« Evidemment, je ne voyais pas les choses autrement de toute manière. »
« Merci Papiii ! »

Colin écarquilla les yeux à cette nouvelle, cette fille ne manquait vraiment pas de culot et le pire c'est que son père était en accord avec elle.

« Vous serez bien sur dédommagé pour le déplacement et les frais sur place Mr Preston. »
« Mh.. bien. »

Il fronça les sourcils, lui qui avait pensé qu'il aurait la paix pendant un mois, voilà qu'il était embarqué avec cette gamine à la ferme. Il les dévisagea tour à tour et cette fois ce fut à Eli d'afficher un petit sourire presque victorieux, il était embarqué dans la même galère qu'elle et son calvaire ne serait pas aussi horrible que ça même si la ferme, la campagne c'était une chose qu'elle n'avait jamais côtoyé de sa vie et que ça la faisait flipper un peu.

« Bien, ce détail réglé, je vais de ce pas m'occuper des formalités. Vous partirez ce soir, ou demain matin au plus tard. Préparez vos bagages. »
« Oui papi ! »
« Ah et Elisha.. ça ne sert à rien d'emmener toute ta garde robe avec toi, prévilégie le fonctionnel à l'esthétique. »
« Roooh je sais ! »

Tanner baissa les yeux sur sa fille et il fit un pas vers elle pour déposer un simple baiser sur son front, bien décidé à ne pas se laisser attendrir par elle cette fois. Il fit alors le tour du lit et s'arrêta sur le seuil de la porte pour poser sa main sur l'épaule de Colin, le remerciant encore d'un regard pour ce qu'il avait fait la veille. Il lui en serait réellement éternellement reconnaissant et il avait toute sa confiance aujourd'hui, c'était un bon point pour lui. Puis il partit, pour rejoindre son bureau, les laissant en tête à tête.

Le regard d'Elisha et de son garde du corps se croisèrent une nouvelle fois et il ne lui cacha pas combien cette situation lui tapait sur les nerfs, il avait été engagé pour veiller à sa protection et non pas pour la suivre au fin fond de nul part au milieu des vaches et des toréadors. Il porta ses doigts à son menton et effleura le début de sa barbe, tentant de relativiser et de contenir sa colère, il était déjà assez mal en point à cause de l'accident d'hier et du reste sans qu'il ne se prenne la tête avec elle derrière.

« Vous me paierez ça... tôt ou tard... Elisha. »

Il tourna alors les talons sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit et referma la porte de sa chambre derrière lui, la laissant méditer sur ses paroles.

~~~

Quelques heures plus tard dans l'après-midi, Colin avait préparé ses affaires et était allé s'affairer sur la Ford Torino pour réparer l'autoradio qu'il avait mit en miettes quelques jours auparavant et il lui fallut pas moins d'une heure pour que les fils soient parfaitement raccordés et que les boutons de volume remarchent. La mécanique c'était comme les femmes, il suffisait de leur souffler des mots doux au creux de l'oreille pour les entendre ronronner derrière et obtenir tout ce qu'on désirait d'elles.

Ce fut le vrombissement du moteur d'un cabriolet qui attira son attention en entrant dans la cour de la propriété, impossible, c'était l'autre hispanique, José, qui revenait la bouche en cœur ici avec certainement l'idée d'embarquer Eli on ne sait où. Colin vit aussitôt rouge et bondit hors de la Ford Torino, claquant la portière conducteur derrière lui pour venir lui couper la route et le chopper par le col, le soulevant presque du sol, ses yeux lançant des éclairs.

« Qu'est-ce que tu viens faire là toi ? »
« J'... j'suis v'nu voir Elisha. »
« Elle a pas envie de te voir, barres-toi ! »
« Qu'elle vienne me le dire elle-même, lachez-moi ! »

José se débattit dans l'étreinte des mains de Colin mais il tenait bon et il avait beau forçé, il ne cédait pas une pouce de terrain.

« T'as faillit la tuer hier, ça t'a pas suffit ? »
« Hey j'y suis pour rien moi, c'est la voiture qui a calé sur la voie ! »
« Tu savais qu'elle était pas en état mais tu l'as poussé à conduire quand même. »
« Elle est majeure merde, foutez-moi la paix. »
« Je devrais te casser la gueule... »

C'est à ce moment-là qu'Elisha débarqua presque à bout de souffle dans la cour, ayant assisté d'en haut à la rixe entre les deux hommes, attirant leurs attentions.

« ... mais ce n'est pas à moi de régler cette histoire. »

Colin relâcha alors le col de José et céda sa place à sa protégée, regagnant l'intérieur de la villa en passant près d'elle, ne lui échangeant qu'un simple regard sans émotions.

« Ton garde du corps est vraiment un ma... »

Eli s'était avancée dans la cour et coupa la parole à l'espagnol d'une gifle magistrale, celle-là il l'avait mérité...

24.

Seigneur, que ça prenait un temps fou pour faire ses valises! Ce n’était pas la première fois qu’Eli partait en voyage, mais c’était la première fois qu’elle partait pour une telle destination. A cette pensée, elle poussa un bruyant soupir, et se laissa tomber assise sur son lit. Son père avait été intransigeant, pas moyen de négocier, si ce n’était qu’elle avait au moins obtenu que le châtiment s’appliquât aussi à Colin. Il avait vite perdu son sourire quand il avait compris qu’il serait aussi du voyage.

Puis comme il n’avait pas ouvert la bouche pour prendre sa défense, Eli comptait bien le lui faire payer. Attrapant un des tee shrits étalés sur le lit, elle le leva devant elle, laissant ses pensées vagabonder. Le problème était qu’il le lui avait dit clairement qu’il comptait aussi lui faire payer. Elle se demandait bien comment..

Un long, très long moment plus tard, les valises étaient bouclées et attendaient sur le pallier que le chauffeur vint les chercher. Eli avait réussit à limiter le nombre de ses bagages à deux valises, ainsi qu’un sac de voyage. Certes elles pesaient un sacré poids mais c’était déjà beaucoup mieux que les cinq bagages qu’elle avait au départ. Le tri n’avait pas été facile, mais elle avait fait du bon travail.

Satisfaite, Eli se redressa en s’étirant les muscles. C’est là qu’elle entendit un vrombissement de voiture. Elle se dirigea vers la porte fenêtre qui était ouverte et perçut des éclats de voix. José! Il osait venir la voir après la manière dont il l’avait plantée la veille. Eli avait deux trois mots à lui dire et se précipita dans le couloir puis à l’extérieur de la villa où elle découvrit l’intéressé aux prises avec Colin, pour changer.

Celui-ci relâcha José, à peine elle arriva, et tourna les talons, lui accordant à peine un regard. Mais ce n’était de toute manière pas à lui qu’elle était venue parler enfin parler. Ses yeux lançant des éclairs de colère, elle ne laissa à peine le temps de parler à José qu’il se reçu une belle gifle dont il aurait bientôt l’empreinte sur la joue.

Surpris et furieux, il explosa, une main sur sa joue.

- P’tin Eli! Qu’est-ce qui t’prend?
- Ce qui me prend? Et Toi? Qu’est-ce qui t’a pris hier soir de t’enfuir comme un lâche? De me planter là sans te demander comment j’allais?
- Ben justement, pour ça que chuis là! Et puis hier soir, t’étais en bonne main, pour changer, le super garde du corps toujours là au bon moment! T’avais plus besoin de moi de toute manière.

Eli ne répondit pas tout de suite, il marquait un point. Elle continua encore, ses bras croisés sous sa poitrine.

- Peut-être, mais c’était un peu de ta faute non, si on en était arrivé là, si tu ne m’avais pas poussé à conduire, à faire la course?.. Mais de toute manière à présent à cause de tout ça, mon père m’envoie au Texas, un mois.. Ça tombe très bien car j’ai plus envie de te voir pour un bout là.. Et ne compte pas sur moi pour t’appeler, de même que je ne répondrai pas à tes appels, si tu essaies..

Et sans même lui dire au revoir, elle lui tourna le dos et repartit à l’intérieur de la villa, ignorant les cris de José dans son dos.

- Ouais, c’est bon je m’casse! Et bon vent ! Amuse toi bien avec ton gorille, s’il croit que j’ai pas vu ce qu’il manigance lui..

Eli claqua la porte, encore plus énervée à présent. Machinalement ses doigts vinrent caresser les perles de son collier, immobile au milieu du hall d’entrée, elle songeait à la fête de la veille.

- Ah Eli, tu es là, il est temps que je vous emmène à l’aéroport, votre vol est dans quelques heures. Il faut encore enregistrer les bagages..

Il jeta un coup d’œil aux valises qu’on avait déposé dans le hall non loin de l’entrée.

- hm..deux valises? Une aurait suffit non? Enfin…
- MONSIEUR PRESTON??.. Ah vous voilà.. Oh je vois que vous voyagez léger, contrairement à ma fille. Je vous emmène à l’aéroport. Vous êtes prêts ?

Il regarda sa fille et Colin qui tous deux se lancèrent à leur tour un bref regard.

- Oui papi..suis prête..
- Je suis prêt monsieur Tanner.

Ils se défièrent une nouvelle fois du regard et suivirent Kurt à l’extérieur. Les bagages furent rapidement chargés dans la berline de son père et Eli s’enfonça dans son siège, regardant la propriété s’éloigner derrière eux. Elle n’était pas trop rassurée, mais essayait d’envisager les choses du bon côté, un mois au pays des cow boys, cela pourrait être une chouette aventure.

( A suivre à l'Aéroport)

(38-) ( Avant à l'aéroport)

Si elle avait été contente de revoir son père, elle ne changea pas de comportement vis-à-vis de Colin. Ma foi, il se demandait ce qu’il avait bien pu faire pour mériter une trêve pareille. Son boulot devenait du coup beaucoup plus agréable. Peut-être que la gamine s’était enfin mise un peu de plomb dans sa cervelle. Invité par le père à s’installer dans leur salon, il s’assit dans l’un des luxueux canapés de cuir blanc, et écouta Eli raconter son séjour à la ferme, non sans s’amuser des remarques indignées sur ce qu’elle avait du faire, ou ne pas faire, sur le manque de confort, sur des détails si insignifiants qu’à un moment Colin surprit le même sourire amusé sur le visage du père.

- Allons, Eli, tu exagères ! Je suis sûr qu’au fond, tu as apprécié ce séjour.. Et vous monsieur Preston, quelque chose de particulier à nous raconter ?

Colin se raidit dans son fauteuil. Que pouvait-il bien lui raconter ? Comment sa chère fille avait failli se faire piétiner par un troupeau de vaches, tellement terrorisée qu’elle était restée figée sur place ? Ou comment le lendemain elle avait failli se faire mettre en pièce par un taureau qu’elle avait confondu avec une vache ? Non, Kurt Banner aurait alors refusé qu’Elisha y retourne, et Colin lui trouvait que ce séjour lui avait fait du bien finalement.

- ma foi, je trouve que ce séjour réussit beaucoup à votre fille. Elle a été très sage pendant ces quelques semaines. Non aucun incident à déclarer.
- ah ben trop gentil ! Très sage hein ? Il aurait été très difficile de faire autrement vu le peu d’animation dans ce bled perdu du Texas. Je me demande comment les gens s’amusent là-bas, et s’ils en connaissent même la signification.
- et moi je suis sûr qu’ils savent mieux s’amuser que nous.
- que vous, y’a pas de doute !
- oui parce que vous, vous savez vous amuser en toute circonstance n'est-ce pas ?
- euh… je me souviens avoir passé d’agréables moments dans la ferme de mon frère qui était avant à notre oncle. J’en garde d’excellents souvenirs.
- Papi !

Colin regarda Elisha se redresser, visiblement furieuse alors que lui s’amusait beaucoup.

- quoi ? qu’est-ce que j’ai dit ?
- alors quoique dise Colin, il a raison et moi j’ai tord ? c’est ça ?
- mais voyons mon ptit chat, ce n’est pas ce que j’ai dit !

Elisha haussa les épaules, visiblement vexée, et prétexta qu’elle avait un million de choses à faire, dont appeler ses amis qu’elle n’avait plus vu depuis longtemps. Mais Colin paria qu’elle avait surtout envie d’aller bouder seule dans sa chambre et se plaindre de lui à ses fameux amis. Et avant de partir, elle fit une grimace à Colin qui n’en sourit que de plus belle. Les deux hommes la regardèrent quitter la pièce et quand ils furent seuls, Kurt interrogea, soucieux :

- vous êtes sûr que tout s’est bien passé ?
- oui .. tout à fait ! j’y ai veillé !
- ah bien ! *soupir soulagé* Mais j’ai l’impression que ma fille ne vous porte pas trop dans son cœur.

Colin se sentit soudain très emprunté pour répondre, puis il prit sur lui en véritable professionnel pour répondre sur un ton le plus neutre possible.

- Elle n’apprécie pas trop de m’avoir sur son dos pratiquement vingt quatre heures sur vingt quatre. Vous savez comment sont les jeunes..
- euh.. oui sans doute. Alors dites-moi monsieur Preston, vous avez des projets pour ces fêtes ?

Encore une fois pris au dépourvu, Colin s’agita dans son fauteuil, en cherchant une position plus confortable.

- c’est que…
- ne vous inquiétez pas pour votre protégée, elle saura se passer de vos services quelques jours. Et comme tout employé, vous avez droit à vos vacances. Et puis votre famille doit être impatiente de vous revoir ?
- moui… sans doute.
- alors c’est arrangé ! Dés que vous aurez récupéré vos affaires, vous pourrez prendre votre semaine. Je me suis organisé pour me libérer quelques jours pour rester avec Elisha.
- ha bien… bien..

Mais Colin n’était tout à coup pas très convaincu. D’une part, il n’aimait pas du tout les fêtes, ni les réunions familiales. Il n’avait pas du tout envie de se retrouver dans sa famille, avec sa mère, son père, sa sœur, son frère et tous les autres. Lui qui rêvait de calme.. Enfin là il allait avoir quelques jours de vacances, il allait pouvoir en profiter. Mais étrangement cette idée ne l’enthousiasmait guère, il ne savait dire pourquoi.

- Je peux compter sur vous la semaine prochaine ?
- oui bien sûr !
- parfait ! bon j’ai un ou deux coups de fil à passer.. à tout à l’heure, monsieur Preston.

( Suite à Evergreen-Park, Chicago)

35. Michael Bolton: How Am I supposed to live without you

En retrouvant sa chambre, Elisha contrairement à son habitude, ne ressentit pas le besoin d’appeler son amie, cela pouvait bien attendre un peu. Elle ressentait une étrange impression. Tout ce confort, ces meubles précieux, cet ordre immaculé, tous ces souvenirs qu’elle avait accroché ci et là, Eli avait soudain le sentiment que cela lui paraissait si loin. Un peu comme si elle était revenue chez elle après dix ans d’absences, alors qu’en fait, cela ne faisait qu’un mois qu’elle était partie. Oui mais encore une fois, avant son départ, ce mois lui avait paru monstrueusement long, et là soudain, le temps avait passé si vite.. si vite et à présent qu’elle était de retour chez elle, Elisha ne retrouvait pas ses points de repères, comme si inexorablement, tout ce qui se trouvait dans cette chambre faisait partie du passé.

- Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?

Eli n’arrivait même pas à se réjouir des fêtes qui arrivaient à grand pas, du fait de retrouver sa chambre, ses amis, ses petites habitudes d’enfant gâtée. Pour un peu, elle regretterait presque la chaleureuse ambiance familiale des texans..
Et le plus inquiétant, Eli n’avait pas encore songé à ce qu’elle aurait aimé recevoir à Noël, alors que d’ordinaire elle aurait déjà harcelé son père pour des cadeaux des plus incroyables et tapageurs.

Elle finit par se laisser tomber sur son lit dans un soupir, regardant autour d’elle sans aucun intérêt.
Un mouvement à sa porte lui fit lever les yeux. C’était Colin qui s’était appuyé nonchalamment contre le cadre de la porte.

- alors pas heureuse de retrouver sa chambre ?
- pff.. vous croyiez quoi ? Que j’allais me mettre à sauter sur le lit ? ou encore me précipiter dehors pour rejoindre mes amis ?
- à vrai dire..oui..

Elisha leva les yeux pour croiser le regard moqueur de Colin, mais elle n’avait plus envie de rire.

- ça ne m’amuse pas..
- oh ? Que se passe-t-il, Elisha ? Vous couvez un truc là…
- c’est ça, moquez vous..
- désolé..

Elle le regarda alors avec méfiance. Pouvait-il vraiment être désolé pour elle ? Ou encore une fois, se moquait-il d’elle ?

- que me voulez-vous ?
- je venais vous dire au revoir.
- quoi ?

L’expression d’Eli avait brusquement changé, du froid mépris, son visage reflétait à présent l’angoisse.. Elle se leva..

- vous.. partez ? Mais que s’est-il passé ? c’est mon père qui..
- hey du calme..

Il la rejoignit en quelques pas, lui soulevant le menton, avec toujours ce sourire légèrement moqueur, enfin un peu moins.. Il y avait autre chose à présent.

- Votre père m’a juste donné une semaine de vacances, pour que je puisse passer Noël en famille. Vous devriez être soulagée, vous ne m’aurez plus sur le dos..

Eli ne réalisa pas le dédain qui avait percé dans la voix alors qu’il évoquait sa famille, ni la tentative d’humour avec ses derniers mots, la seule chose qu’elle retenait, c’était qu’il partait, enfin même si ce n’était pas définitif.. Alors avec effroi, elle réalisa que cette nouvelle la bouleversait.. Une semaine, loin de lui, c’était bien pire encore qu’un mois dans le Texas..
*garde la tête haute, ne lui montre pas ce que ça te fait…*
Mais elle ne sut pas lutter contre ses émotions qui malgré qu’elle tâchait de garder son sang-froid, débordaient de ses grands yeux verts..

- Eli.. c’est pas si terrible que ça voyons.
- désolée, je ne voulais pas .. je…

Elle se tut, que pouvait-elle dire de plus qu’elle ne lui ait déjà dit ? Ridicule, elle se trouvait soudain si ridicule. Jusqu’au moment où Colin se pencha pour embrasser ses lèvres, tenant toujours son visage entre ses mains. Un baiser qui fut d’une infinie douceur mais qui s’arrêta bien trop vite, la laissant sur sa faim, tandis que Colin repartait dans les couloirs de la villa, sans un mot…

Un peu plus tard, elle le vit quitter la villa, et par la fenêtre, il lui adressa un dernier signe avant de monter dans la berline de son père. Alors Eli se laissa tomber sur le sol de sa chambre et cacha son visage dans ses mains..

36. Usher and Young Jeezy: In this club

C’était devenu une manie, pour la énième fois, Elisha écarta le voile devant la fenêtre, regardant la place devant la villa, mais c’était inutile. Il ne reviendrait pas avant plusieurs jours, alors en soupirant, Elisha prit sa serviette éponge et se dirigea vers sa salle de musique. Elle alluma la musique qui emplit aussitôt l’air de la pièce, faisant vibrer les woofers, lâcha sa serviette sur la barre contre les miroirs, et lentement se mit à bouger au son de la musique, exorcisant ainsi tous ses tourments.

Quelques mouvements de bras, déliés de mains, quelques pas, et Elisha ferma les yeux, s’abandonnant à sa passion, mais pourtant, ses pensées toutes allaient vers lui. Son corps se mouvait lentement avec sensualité, mais son esprit s’était déjà envolé, lui faisant vivre des instants d’une autre dimension… Dans la cabine d’essayage de cette boutique, elle lui avait volé ce premier baiser, mais ensuite à son anniversaire, c’était lui qui l’avait embrassée.. et puis là-bas au Texas, ce soir là, dans cette grange abandonnée, si son oncle n’était pas arrivé, jusqu’où aurait-il été ? Elle se souvint, il avait retiré sa chemise trempée, son torse musclé, elle avait posé ses mains sur lui, s’était mordue la lèvre tant le désir était devenu puissant… le regard brûlant de Colin sur elle, alors qu’il la renversait dans le foin. Ses baisers ardents, tourbillon de sensation, vertiges, frissons, sa peau chaude contre la sienne, ses lèvres sur sa bouche, dans son cou…

Une pirouette de trop, et le souffle court, le cœur douloureux, Elisha s’arrêta, manquant de peu de tomber. Le manque devenait cruel, et ça faisait tout juste un jour qu’il était parti, mais il l’avait laissée sur sa faim.

- mon ptit chat ?

La jeune femme fit volte face pour découvrir son père à l’entrée de la pièce.

- papi ! tu aurais du frapper !
- je l’ai fait, mais à mon avis avec cette musique.
- quoi ?
- tu n’as pas du entendre!
- je ne comprends pas !

Kurt, soupira et s’approcha de la chaîne stéréo pour l’éteindre, et ignorant la mine renfrognée de sa fille, lui proposa avec un énorme sourire.

- Allez, je t’accompagne faire les magasins, tu veux bien ? Comme ça on regardera ensemble ce qui te ferait plaisir pour Noël.
- moui… bonne idée.

Mais en fait le visage d’Elisha ne montrait pas vraiment de l’enthousiasme.

- tout va bien ptit chat ?
- oui.. ça ira.. je vais me préparer.
- d’accord, je vais dire qu’on prépare la voiture, Neil nous emmènera.

Elisha remonta dans sa chambre, après avoir saisit la serviette dont elle s’essuya le visage. Elle resta longtemps sous le jet brûlant de la douche, essayant de chasser en vain l’image de Colin. Puis une fois enfilé un peignoir, son regard tomba sur son téléphone sur le petit buffet. Avec un soupir, elle ne résista pas à la tentation, s’installa sur son lit, et composa la touche rapide d’appel.. Et tandis que la sonnerie d’attente résonnait dans son oreille, son cœur battit plus vite.

- Elisha ?

Surprise qu’il ait répondu si vite, ne s’attendant pas à ce qu’il l’ait reconnue sans même qu’elle ait prononcé un mot, Elisha resta un instant sans voix, décontenancée. Bien sûr, son nom avait du s’affichait sur l’écran de son mobile.

- Elisha ?? la voix était teintée d’inquiétude, le ton avait monté d’un cran.
- oui.. c’est moi…
- tout va bien ?
- je.. oui.. ça peut aller..
- …

Elle entendit du bruit derrière Colin, des gens qui parlaient, et lui qui ne savait plus quoi ajouter. Le silence s’installait, trop pesant.

- et vous ?
- moi ?
- vous êtes avec votre famille ?
- euh oui… j’ai profité de ces quelques jours.. Ecoutez Elisha, je… il faut que je vous laisse.
- ah oui, désolée, je ne pensais pas vous déranger..
- non, non .. vous ne me dérangez pas. N’hésitez pas à appeler, si vous avez … si vous avez un problème…
* mon problème, c’est que tu es bien trop loin et que j’ai tant envie de toi *

Elisha soupira..

- oui..d’accord… à bientôt Colin..
- à bientôt Elisha..

Et elle entendit la tonalité plate et régulière après qu’il eut raccroché. Mais elle mit quelques secondes avant de refermer le clapet de son appareil, l’air absent et le regard triste.

37. Brian McFadden : Almost here

Elisha perchée au sommet de son escabeau, se penchait pour accrocher une dernière décoration au sapin de Noël. Chris Logan, le chef de la sécurité lui avait ramené un bel arbre du marché, un de ceux en synthétique, car avec cette chaleur, sous cette latitude, un véritable sapin n’aurait guère tenu le coup. Mais de toute façon, une fois qu’il fut entièrement décoré, on ne voyait plus guère de différence.

Satisfaite, Eli redescendit de l’escabeau, et se recula pour admirer le résultat. Elle sourit, c’était plutôt réussi. Ils étaient à la veille de Noël et malgré ses promesses, Kurt était bien trop occupé pour passer du temps avec sa fille, mis à part quelques jours auparavant quand il l’avait accompagnée en course. Eli soupira, elle sortait régulièrement voir ses amis, mais pour les fêtes, tous étaient dans leurs familles, certains partis en visite loin de l’île et du coup Elisha se retrouvait seule avec son père. Enfin quand il était là.

Alors plus que jamais, Colin lui manquait, et même leurs constantes disputes lui manquaient. Au moins elle avait quelqu’un avec qui se disputer. Et puis finalement il n’était pas si désagréable que ça, en outre ces derniers temps, elle avait le sentiment que ce n’était plus vraiment pareil entre eux deux. Mais peut-être n’était-elle pas vraiment objectifs depuis qu’elle avait réalisé qu’elle en était tombée amoureuse.

- mon p’tit chat ?
- papa ? Ah tu es là, tu tombes bien, je voulais te montrer le menu que j’ai prévu pour demain. Je sais qu’on sera juste toi et moi, mais Rose me laisse m’occuper de la cuisine. Tu sais j’ai beaucoup appris avec tante Meg.
- ah.. un menu ?
- oh mais ne t’inquiète pas, Rose va m’aider, je ne vais donc pas t’empoisonner mon petit papy..

Et Elisha s’approcha de Kurt pour lui pincer affectueusement la joue. Mais celui-ci lui adressa un sourire qui ressemblait plus à la soupe à la grimace.

- qu’est-ce qu’il y a, tu en fais une tête ?!
- Eli, je suis désolé mais..

Elisha aussitôt sur la défensive recula en fronçant les sourcils.

- quoi ? Ne me dis pas que tu vas aller travailler ?
- c’est que c’est pour une affaire urgente, je dois me rendre immédiatement en Europe et j’ignore combien de temps ça va me prendre.
- Mais papa !!!!! c’est Noël !! Tu ne peux PAAS partir !
- je n’ai pas le choix mon p’tit chat !
- SIIIiiii tu as le choix !! Mais toi comme d’habitude, tu préfères ton foutu boulot que passer les fêtes avec ta fille.. Tous mes amis passent Noël en famille et moi je fais quoi hein ??
- je me suis dit que tu pourrais venir avec moi, un voyage en Europe, ça serait sympa non ?
- NONN !! Je ne veux pas partir en voyage, je veux fêter Noël avec TOI, ICI et CHEZ NOUS !

Eli hurlait à présent, et les larmes lui piquaient les yeux. Elle était si déçue et si révoltée de voir que son père à chaque fois revenait avec la même rengaine, le travail, pas le choix, il était obligé.. mettant de côté sa fille, sans hésiter.

- Si tu préfères rester là dans ce cas, mais moi je dois partir, et tout de suite. La commission des affaires à l’étranger est en crise, suite à un nouveau décrets des états unis, il risque de bloquer les négociations d’affaires en court et cela peut mener à un conflit très important et..
- Mais J’EN AI RIEN A FAIRE !!! JE SUIS TA FILLE, et je passe toujours après tout.. Papa !.....Pourquoi ?

Elle pleurait à présent, ne sachant plus contenir ses larmes. Lasse de chaque fois devoir se disputer avec son père pour ces choses qui ne la concernaient pas.
- si j’avais pu, tu sais que j’aurai remis ce voyage à plus tard.. Eli, je t’en prie, comprends-moi..

Mais Elisha secoua la tête et s’enfuit dans sa chambre en claquant la porte derrière elle… Peu importait ce qu’elle ferait ou dirait, son père était déjà décidé à partir..
Du reste, un peu plus tard, elle entendit la voiture dans l’allée..
Il était parti..

Alors Eli redescendit au salon et croisant Rose, elle la congédia pour les fêtes, en lui disant qu’elle avait sûrement de la famille quelque part qui devait l’attendre. Rose insista pour rester avec elle, mais Eli, butée, ne céda pas. Elle voulait être seule.. Elle renvoya ainsi tout le personnel de la maison, et ne restèrent finalement que les gardiens de la sécurité à l’entrée de la villa.

Elle voulait être seule, ne plus voir personne, ne plus être déçue encore. En repassant au salon, elle aperçut le sapin qu’elle venait de décorer, et se dirigea droit dessus pour en arracher les boules et autres décorations qui éclatèrent sur le sol et autour d’elle, tandis qu’elle les jetait dans tous les sens, aveuglée par ses larmes…….

Un peu plus tard, elle essaya d’appeler Suzi, mais son portable était sur répondeur..Elle raccrocha aussitôt.. Elle appela d’autres amis qui certains lui proposèrent de venir les rejoindre dans leur famille, mais ça ne serait qu’un crève cœur de plus de les voir s’amuser en famille alors qu’elle n’avait personne..
Alors finalement elle l’appela lui, comme il lui avait demandé. C’est entre deux sanglots qu’elle parvint à lui expliquer la situation, laissant un Colin sans voix, puis à peine elle lui eut expliqué qu’elle réalisa qu’une fois de plus elle se comportait en petite fille gâtée que son père avait abandonnée et s’excusa aussitôt auprès de Colin pour l’avoir encore un fois dérangé inutilement, et raccrocha.

42. ( Auparavant, Evergreen Park à Chicago)

Leona Lewis : Run

Jamais vol ne lui parut plus long. Tout à coup, Colin brûlait de retourner à la villa, de la retrouver, et de constater que tout allait bien. Peu à peu, les paroles qu’elle avait prononcées, s’étaient incrustées dans son esprit, seule, abandonnée, c’était un appel au secours, sans vraiment y ressembler. Comment avait-il pu la laisser, il se sentait tout aussi coupable que l’était Kurt, et s’impatientait de plus en plus, alors que le taxi roulait en direction de la propriété.

Enfin, il la vit, la blanche façade de l’imposante bâtisse. Les gardiens laissèrent entrer le taxi après qu’ils eurent reconnu Colin, et lui firent un signe tandis que le véhicule pénétrait sur la propriété et remontait l’allée qui menait jusque devant les marches d’escalier entourant le perron.

- Attendez-moi là !
- je ne sais si…
- Vous avez intérêt à être là quand je ressortirai, je vous payerai la course ensuite.

Colin n’était guère d’humeur à discuter et de toute façon, le chauffeur de taxi n’avait plus vraiment le choix. Et puis à voir la propriété, il pouvait bien attendre un peu, en espérant un pourboire aussi conséquent que le luxe de l’endroit.
Quand à Colin, surpris d’abord de ne rencontrer aucun domestique à l’entrée de la villa, se souvint qu’elle lui avait dit avoir congédié tout le monde. Il déboula comme un fou dans le salon pour découvrir un sol jonché de débris de verres et des décorations qu’Elisha avait envoyé à travers la pièce. De même que le sapin qui du coup, gisait misérablement au sol.

- Eli ? Appela-t-il d’abord trop doucement pour qu’elle puisse entendre, même si elle avait été dans la même pièce.
- ELishaaa ???

Le silence dans la maison devenait pesant. Alors quatre à quatre, Colin grimpa les marches des escaliers et se précipita jusque vers la chambre d’Elisha. Sans prendre la précaution de frapper, il entra en coup de vent pour la découvrir roulée en boule sur son lit. Et là Colin comprit que ce n’était pas que par conscience professionnelle qu’il était revenu vers elle. Ses bras retombèrent le long de son corps tandis qu’elle se redressait sur son coude, surprise par cette arrivée fracassante.

- Colin ??

Il découvrit alors son visage dévasté par les larmes, ses yeux rougis d’avoir tant pleuré et il sentit si bouleversé par ce spectacle qu’il resta sans voix.
Ce fut Elisha qui brusquement se redressa pour venir se jeter dans ses bras, comblant tout à coup ce vide qu’il avait ressenti tous ces jours. Elle était là au creux de ses bras et Il serra son étreinte avec force, fermant les yeux pour mieux gouter à cet instant.

- tu es revenu.. souffla-t-elle dans un soupir, s’écartant pour le dévisager.
- oui, pour toi.. Je ne pouvais pas te laisser seule et..

Et les mots étaient devenus soudain si inutiles. Il retint sa respiration en la voyant entrouvrir sa bouche, si désirable, si fragile, si sensuelle… Inexorablement attiré, il se pencha pour l’embrasser avec une telle passion qu’un puissant tourbillon les aspira dans sa tourmente de sentiments, d’émotions, les rendant plus avides l’un de l’autre à chaque instant.

Eli se pressa encore plus contre lui, et glissa ses douces mains sous son pull, cherchant le contact de la peau, tandis que lui-même caressait son dos à travers le tee shirt. Il devenait fou, mais ne pouvait plus lutter contre le courant. A son tour, il découvrit la chaleur de sa peau sous la paume de sa main, qui remonta sur les hanches, épousant chaque courbe de son corps, et irrésistiblement gravit son corps si doux, si sensuel, pour venir effleurer les seins à travers la dentelle de son soutien-gorge. Il embrassa encore et encore les lèvres pleines, mêlant sa langue à la sienne, son désir décuplé par les gémissements qu’elle laissait échapper, alanguie dans ses bras, abandonnée totalement.. Elle lui appartenait.

Jusqu’à ce que le klaxon du taxi le rappela à la réalité, brisant ce moment de retrouvailles passionnées. Mais il ne pouvait pas la laisser partir pas encore. Elle-même s’accrochait à lui, avec la force du désespoir, son visage dans son cou, son souffle sur sa peau.

- Ne me laisse plus..
- non.. il n’en est pas question.. le taxi.. il nous attend.. Viens, il faut préparer quelques affaires, je t’emmène.

Il prit son visage entre ses deux mains, et l’embrassa encore une fois pour la convaincre qu’il disait la vérité.

38.

Elle ne savait plus combien de temps elle était restée ainsi prostrée quand Colin avait déboulé dans sa chambre telle une tornade, faisant claquer la porte contre la paroi, et arrachant brusquement Eli à ses sombres pensées. Elle mit quelques secondes avant de se remettre de le voir soudain là devant son lit. Elle ne s’y attendait pas du tout. Pas plus qu’elle ne s’attendait à être emportée par un tel tourbillon d’émotions. Son cœur avait bondi dans sa poitrine en le reconnaissant, et à présent, tous ses sens étaient en ébullition sous ses caresses, sa bouche qui dévorait la sienne dans un baiser avide qui quand tout cessa brusquement, la laissa pantelante, bouleversée.

Elle mit quelques secondes avant de saisir que le son du Klaxon était directement lié à ce qu’il venait de lui dire. Il l’emmenait ?? Elle le regarda se mettre à farfouiller dans sa chambre.

- Tu m’emmènes ? Où ça ?
- chez moi, enfin dans ma famille à Chicago.
- A Chicago ? Chez ta famille mais !
- allez, dépêche toi d’emmener quelques affaires …chaudes, il fait froid à Chicago..
- oh..

C’était tout ce qu’elle avait trouvé à dire, trop assommée pour penser clairement. Il l’emmenait avec lui, après tout, c’était suffisant comme invitation…. Un peu comme un automate, Eli fourra quelques jeans dans une valise, des pulls que lui avait dégoté Colin qui mettait ses affaires sans dessus dessous, ce qui, étonnamment ne la fit même pas réagir..
Il allait fermer la valise quand elle protesta :

- attends !

Dans son tiroir de la commode, elle piocha quelques sous-vêtements qui laissèrent Colin muet, tandis qu’elle les fourrait à leur tour dans la valise. Elle pensa aussi à sa trousse, à un nécessaire de toilette, puis alors que Colin l’entraînait dans les escaliers, elle se dégagea une dernière fois, pour revenir en coup de vent dans sa chambre, elle allait oublier quelque chose de très important. Puis elle repartit en courant dans l’escalier, et quand Colin lui ouvrit la porte, Elisha avait retrouvé un timide sourire.

Le cœur battant, elle s’assit à ses côtés dans le taxi, et l’écouta ordonner au chauffeur de les ramener très vite à l’aéroport. Puis se tournant vers elle, il ajouta dans un sourire.

- Avec un peu de chance, nous serons là-bas ce soir..

Elisha ne sut qu’ajouter, hypnotisée par ses yeux, sentant à nouveau cette flamme brûler dans son ventre. Comment était-il possible qu’il lui ai tant manqué ? Elle voulut encore sentir sur ses lèvres sur les siennes. Cela dut se lire sur son visage, car Colin se pencha et répondit à son attente, mais il ne s’attarda pas, sans doute dérangé par les regards du chauffeur dans son rétroviseur, ou autre chose peut-être. Peu importait, les barrières étaient tombées, et c’était tout ce qui comptait pour Elisha…

(Suite à l'Aéroport)