Le HEAVEN TIMES

48.

( auparavant: duplex de Jenny )

September: Can't get over

Une nouvelle équipe avait été mise en place, dorénavant les dossiers en attente n’existeraient plus… Jenny avait racheté les parts de la société du Heaven Times qui appartenaient à Ethan.. Ethan qui n’avait plus jamais donné de nouvelle, peut-être était-il mort, ou pas, Jenny n’en avait plus rien à faire. Elle avait assez dormi sur ses lauriers, il était temps de reprendre en main ce journal.

L’île état en effervescence, une vague montante de criminalité, une police toujours aussi inefficace, des stars qui s’étaient donné le mot pour s’installer sur Heaven.. Heaven Island qui était devenue en quelque sorte le nouveau Hollywood, l’île où toutes les vedettes se donnaient rendez-vous, attirant ainsi plus de touristes encore, particulièrement à la marina où les yachts plus luxueux les uns que les autres paradaient tel leur propriétaires.

Mais qui disait grosse fortune disait aussi pègre de tous bords, et sur ce terrain, Jenny avait encore des lacunes à combler.. Une rumeur disait que les cribs avaient installé un siège sur l’île mais qu’ils n’étaient pas le seul gang à s’être implanté, bien entendu… Trop de jeunes sur cette île étaient sans activités..Trop de différences entre les classes.. Et la diffence se marquait plus profondément de jours en jours..

Il fallait que le Heaven Times se mêle un peu de tout ça, pour informer sa population, leur dire que Heaven Island n’était pas que paillettes et strass pour les fortunés, leur montrer la pauvreté et la misère du Bronx et inversement continuer de donner espoir aux jeunes des cités en leur montrant le revers de la médaille… Peut-être en interviewant des stars comme Salsa ou Ava qui n’étaient parties de rien, cela mettrait une belle touche d’optimisme dans toute cette débauche de crimes…

Forte de ces nouvelles résolutions, après avoir déprimé pendant plusieurs semaines seule dans son appartement du centre ville, la rédactrice en chef, reprenait du service. Le staff fut réunit dans la salle, tous les meilleurs éléments du journal étaient assis autour de la grande table, attendant l’arrivée de Jenny Saunders. Et c’est avec un large sourire qu’elle fit son apparition, un dossier sous le bras, tailleur de femme d’affaire, talons hauts et la classe qu’il fallait pour charmer le public.

- Bonjour à tous, je vous remercie de vous être réuni aussi vite.. J’ai quelques nouvelles idées à mettre en application dès aujourd’hui.. Nos prochains numéros mettront l’accent sur les différences sociales sur l’île..
- comment ??

Tous ouvrirent de grands yeux ronds, surpris par la nouvelle, mais Jenny ne se départit pas de son sourire.. Elle continua sur sa lancée.

- Nous allons mettre en avant des gens qui vivent dans le Bronx et en parallèle, nous interviewerons quelques célébrités.. Rebecca, je te laisse voir dans le Bronx si tu sais parler à un membre des cribs.
- oui tout à fait mais…peu importe qui?
- disons que si c’est un des chefs, ça n’aura que plus d’impact, mais attention, ces gens sont dangereux, il ne faut pas prendre de risques inutiles..
- oui tout à fait..
- A.J t’accompagnera.. Puis il ira avec Kathy.. Toi Kathy, je veux que tu trouves le moyen d’avoir accès aux studios de la H.I.P, me ramener tout ce que tu peux me ramener.. Mais attention! Pas de rumeurs infondées! Je ne tiens pas à avoir de procès sur le dos! C’est bien compris ?
- oui tout à fait.. Je vais voir ce que je peux faire…
- Tedy ?
- oui?
- Je veux tout savoir de cette nouvelle candidate , Lucrezia de Rossi, son mariage, sur son ex…toute la famille, même s’il faut en passer par Juliana Young. quand à toi Lindsey. .. Essaie de savoir ce que sont devenu, Kim son époux, Johnny …depuis qu’on la vu à l’aéroport…Sarah?
- oui?
- essaie de m’obtenir un rendez-vous avec Marc Harmond.. Je veux voir s’il sait m’en dire un peu plus sur les affaires non résolues..
- bien madame..
- Jack?
- oui?
- il faudra doubler la production… Je sens d’ores et déjà qu’on va avoir de la demande… je te laisse voir avec les fournisseurs.. Dès demain, c’est possible?
- euh, je ne peux pas encore te dire ça à présent, il faut que je vois mes stocks, mais dans une heure ou deux je saurai y répondre.
- Bien.. Parfait… Alors au boulot tout le monde !!

Jenny les regarda quitter la vaste pièce et se lassa aller en arrière contre le dossier de son fauteuil, satisfaite.

49.

Thomas Newman: arose


Assise dans son vaste fauteuil de cuir grand luxe, Jenny admirait la vue qu’elle avait depuis le dernier étage des bureaux du Heaven Times. Depuis qu’elle avait engagé une fine équipe, elle avait bien moins de soucis à se faire pour son journal et stressait beaucoup moins. Jenny pouvait enfin se consacrer à des histoires qui l’intéressaient un peu plus que tous ces problèmes avec les gangs et mafieux du coin. Des articles n’en finissaient pas de paraître sur son journal et tout cela la laissait finalement. Rien ne sortait vraiment de l’ordinaire jusqu’à ces derniers temps.

Le nouveau gouverneur dont le dossier figurait en bonne place dans ceux de la journaliste, se voulait très conservateur, étonnant quand on savait quelles avaient été ses antécédents… Un doigt sur ses lèvres, jambes croisées, Jenny souriait. Comme était-ce possible que Lucrézia soit parvenue à la tête de ce gouvernement avec un passé si chargé, sans n’être jamais inquiétée ? Ou alors peut-être qu’elle avait fait descendre toutes les personnes ayant trop parler.

Cela ne touchait même plus Jenny qui préférait s’intéresser à des histoires moins pourries, ou l’argent n’était pas encore le maître de tout. Toutefois, il y avait encore un point qui l’intriguait dans le milieu de la mafia, les personnages principaux de l’histoire s’étaient volatilisés. C’est pourquoi il y a cinq minutes, elle avait convoqué dans son bureau trois de ses meilleurs journalistes. Et quand la voix de Sarah résonna dans dans l’interphone, elle sourit, satisfaite :

- Mademoiselle Saunders ?
- oui Sarah ?
- Kathy, A.J et Lindsey sont là.
- et bien faites-les entrer !

Jenny recula dans son siège et salua avec entrain les trois personnes qui entrèrent dans le bureau.

- Asseyez-vous un instant, je vais faire court. Vous êtes tous au courant de la mystérieuse disparition du couple Young ?
- oh oui tout le monde en parle !
- Bien Lindsey, alors je te laisse rassembler tout ce qui se dit à leur sujet.. Je veux savoir où ils sont passé.. Kathy, je te mets sur ce sujet.
- quel sujet ?
- Que sont devenus le couple le plus médiatique et le plus controversé de notre île.. Nous savons qu’ils étaient retournés chez eux après l’accident de madame Young pour sa convalescence et depuis plus rien.. Et A.J, tu l’accompagneras, tu es le meilleur dans ta catégorie.. je te fais confiance pour nous faire des clichés bien accrocheurs pour notre prochaine édition.
- bien, vous pouvez compter sur moi.

Jenny hocha la tête et les congédia en leur donnant une dernière recommandation :

- dès que vous avez du nouveau, venez me trouver…

Puis voyant que Sarah attendait toujours devant la porte, elle l’interrogea :

- oui Sarah ?
- nous avons mademoiselle Niki Sanders qui aimerait donner une interview.

Jenny se retourna aussitôt vers sa secrétaire.

- on parle bien de cette actrice qui a failli faire capoter le film parce qu’on a appris qu’elle avait tourné dans un film porno ?
- en fait, c’est aussi à cause des scènes de sexe qui font partie du film qui sont en cause.
- hmm intéressant.. Appelez-là et demandez lui un Rdv…
- quand ?
- quand elle veut…… Tout ce qui touche à ce film intrigue le public, nous nous devons de leur donner satisfaction..
- bien.. je vais donc rappeler madmoiselle Sanders..
- hmm…

Jenny fit pivoter son fauteuil. Elle se demanda si elle allait mener elle-même l’interview ou envoyer la très charismatique Rebecca … Après tout, ça faisait longtemps qu’elle n’avait plus interviewé quelqu’un.. La dernière fois, ça ne s’était pas très bien passé, la jeune femme se souvint encore du regard de Johnny Cash quand elle lui avait appris pour Salsa…. Jenny soupira en tapotant son stylo sur le bord de son bureau..

50. Fergie: Glamorous

Jenny entra dans son bureau en même temps que Sarah lui faisait un topo des derniers appels de la veille. Et en posant son sac à main sur une étagère, elle apprit que Niki Sanders avait déjà rappelé.

- Bien, appelez là tout de suite et dites-lui qu’on arrive cette après-midi à 14h00..
- on ?
- oui, j’emmène A.J avec moi, quelques jolies photos pour mettre avec l’interview, ça donnera mieux.
- dois-je lui dire de venir ?
- il n’est pas parti avec Kathy ?
- euh je ne crois pas non.
- oui dans ce cas…

Jenny s’installa à son bureau et feuilleta les quelques courriers qu’elle avait reçus. Elle fut intriguée par un courrier qui venait de l’étranger, mais la voix d’A.J. à la porte de son bureau lui fit redresser la tête.

- toc, toc, puis-je entrer ?
- ho A.J., tu as fait vite..
- Sarah m’a dit que tu voulais me voir ?
- ferme la porte je te prie..

A.J. s’exécuta avec un large sourire et s’approcha de Jenny, mais elle n’affichait pas la même expression.

- il faudrait que tu sois plus discret tout de même… tâche de me vouvoyer en dehors de..
- hmm en dehors de nos rapports intimes ? allez décontracte toi…

Et joignant le geste à la parole, A.J fit en sorte que sa patronne se détende un peu. Mais Jenny n’avait pas trop la tête à ce genre de facéties aussi le repoussa-t-elle après un baiser qu’elle daigna lui accorder.

- il faut que tu m’accompagnes cette après-midi, nous serons à 14h chez Niki Sanders.
- hmm… l’actrice de film X.. Je devrai peut-être tenter ma chance auprès d’elle, peut-être qu’elle ne m’enverra pas balader elle au moins..
- oh A.j, je suis désolée mais le plaisir ne fait pas toujours partie de mon travail.
- oui je sais je sais…bon sinon j’ai peut-être quelque chose pour toi.
- ah oui ?
- hm… quelques photos de Salsa en bonne compagnie..

Jenny fut de suite intriguée.

- Salsa..en bonne compagnie ? qui ? Anthony Worthington ?
- nan..
- Ne me dis pas que Johnny Cash est revenu ?
- hey mais comment tu es déjà au courant ???
- simple supposition…. et?
- j’ai fait quelques photos, un bon pote qui m’a refilé le tuyau… bon sang ces clichés là vont se vendre à prix d’or… il a bien changé le Johnny..
- et il est déjà retourné vers Salsa..
- quoi ? euh non..

Jenny poussa un soupir exaspéré en dévisageant A.J.

- comment non ? Tu viens de me dire que Salsa…mais alors… Si ce n’est pas lui que tu as vu avec elle, qui ?
- héhé.. tu me donnes combien pour l’info ?
- A.J !!!
- ok ok, ça va.. c’est son nouvel assistant.. Richard Charp, mais il se fait appeler Chick.
- son assistant…. Hé bien… A.J ?
- oui ?
- Tu me fais développer ces photos immédiatement, je veux qu’elles paraissent sur l’édition de demain. Dit à Rebecca qu’elle nous fasse un article dessus…qu’elle nous fasse un résumé de la situation, peu importe, c’est les photos que je veux.
- héhé… ouais, en plus elles sont très bonnes..
- du genre ?
- hmm du genre Salsa en petite tenue qui s’accroche au cou de son nouvel amant.
- File, A.J, je les veux de suite..
- bien chef…

Le jeune homme lui vola un baiser avant de s’esquiver rapidement, laissant derrière lui, une jeune femme songeuse… Les évènements se bousculaient.

( suite villa de Niki)

53. ( avant villa de Niki)

Maroon 5: Nothing lasts forever

Jenny après sa visite à Niki Sanders, avait passé sa soirée à travailler sur l’article qui paraîtrait dès le lendemain en première page. Elle se présenta ensuite au bureau de Jack Launey, le responsable de l’impression.

- tiens, je veux que ces articles paraissent dans l’édition de ce matin.
- Jenny ! je t’ai déjà dit qu’il y a des temps à respecter !
- Je sais, mais je sais aussi que tu fais des miracles !!

Jenny lui adressa un clin d’œil et sans plus écouter Jack qui rouspétait comme toujours, elle regagna son bureau. Il y avait toujours ce courrier étranger qui avait retenu son attention la veille et qu’elle n’avait pas eu le temps d’ouvrir. Sur l’adresse quelque chose l’avait interpellé… et c’est en reprenant l’enveloppe épaisse qu’elle eut le déclic, elle avait reconnu l’écriture. C’était celle d’Ethan.

D’une main fébrile, Jenny décacheta l’enveloppe et en sortit plusieurs pellicules photos. Il y avait un mot accompagnant les pellicules…

Citation :

Jenny..

Je t’envoie ces photos, je sais que tu sauras quoi en faire.. il faut qu’elles soient publiées.. Je compte sur toi.. Avec un peu de chance, il y en aura d’autres… Je t’embrasse… Ethan.

Jenny stupéfaite, resta longtemps sans réagir, puis elle s’exclama, laissant exploser sa colère :

- mais quel culot !!! Il disparait comme un lâche du jour au lendemain. Ca fait des mois que je n’ai plus de nouvelles, et le voilà qui m’envoie ça, comme si de rien n’était !!!!!! OH le salaud ! Non mais pour qui il me prend ? son éditrice personnelle ? sa secrétaire !!........Merde !

La jeune femme était furieuse mais en même temps secouée par le mot qu’il lui avait envoyé.. Depuis le temps, elle n’espérait plus de nouvelles… Jenny récupéra les pellicules dans sa main.. Il savait qu’elle ferait ce qu’il lui avait demandé… La curiosité prenait déjà le pas sur la colère… Et puis surtout, le soulagement.. Il était en vie..

54. Giorgio Moroder: Thème Midnight express

Jenny était retournée à son bureau. Sarah lui avait envoyé un message, les pellicules reçues par courrier la vieille avaient été développées et les photos l’attendaient sur son bureau. C’est avec un mauvais pressentiment que la jeune journaliste s’était installé sur son fauteuil et avait saisi les enveloppes contenant les photos.

A présent, elle les observait, les faisant glisser l’une derrière l’autre de plus en plus vite dans ses mains. Elle se redressa sur son fauteuil et si au départ elle avait froncé les sourcils d’incompréhension, sa curiosité piquée au vif, au fil de ce qu’elle découvrit, ses yeux s’écarquillèrent. Elle réalisa peu à peu l’importance de ces clichés. Les premières montraient des soldats dans la jungle, armés jusqu’aux dents, une expression indéfinissable sur leur visage, le regard froid, celui des tueurs. Puis Jenny avait découvert des photos de villageois alignés et d’autres photos, les plus terribles, les mêmes pauvres gens couchés sur le sol, fauchés par les balles. Les photos étaient excellentes, mais terriblement violentes, le photographe avait su saisir la peur des victimes, et l’atrocité de la scène. Regards sans vie qui avaient accroché une dernière fois celui du photographe.

Sur son fauteuil, Jenny plaqua une main sur sa bouche. Elle venait de découvrir les dernières photos, et ce n’était plus des villageois qu’on avait abattu, mais deux journalistes.. A présent les mains tremblantes, Jenny remis les clichés en place dans leurs enveloppes, il fallait tout de suite alerter tout l’équipe. La jeune femme comprit qu’elle tenait dans ces mains, des informations de première importance. Elle appuya d’une main fébrile le bouton de l’interphone.

- Sarah, fais venir tout le monde immédiatement pour une réunion.
- tout de suite?
- OUI tout de suite! C’est très important!
- Je vais essayer, mais pour Rebecca et Kate..
- Je me fiche de savoir sur quelles affaires elles sont, il me faut les voir tous! Qu’ils laissent tomber ce sur quoi ils travaillent.
- bien..

Jenny ferma la ligne, et se passa une main sur son front, les images qu’elle venait de voir défilant sans cesse devant ses yeux. Voilà qui expliquait la longue absence du photographe, mais ces photos n’étaient pas du tout pour rassurer la jeune femme sur le sort du journaliste.

- mon dieu Ethan, dans quels sales draps es-tu allé te fourrer?

55. Muse: Sunburn

Jenny fit face à l’équipe réunie au complet, les photos étalées devant elle.

- un de mes amis vient de m’envoyer ces photos avec un mot des plus brefs, mais sans aucune explication au sujet du contenue des pellicules. Je veux tout savoir à leur sujet.. Qui sont ces soldats, où les photos ont été prises et…qui est le journaliste qui a été abattu.

Ceux qui n’avaient pas encore vu les dernières photos, relevèrent subitement la tête vers elle. Mais Jenny s’abstint de commentaires supplémentaires, il suffisait de voir les photos, elles parlaient d’elles-mêmes.

- Je peux compter sur vous? Il me faut savoir ça le plus vite possible.
- oui je pense qu’on peut en apprendre beaucoup.
- peut-on savoir qui a pris ces photos?

Jenny tourna son visage vers AJ qui tenait l’une des photos entre ses mains.

- Il s’agit d’Ethan Cole, mon ancien associé.

Encore une fois, tous les regards convergèrent vers elle. Ils connaissaient les rumeurs concernant les relations entre le photographe et la rédactrice. Tout finissait toujours par se savoir au cœur des médias et les journalistes eux-mêmes n’étaient pas épargnés. Un silence pesant s’installa. Si Ethan avait pris ce genre de cliché, cela n’était pas bon signe du tout pour lui, de plus, cela faisait un an aujourd’hui qu’il avait disparu.

Et c’était bien là le problème de Jenny. Il était parti du jour au lendemain, sans laisser de message, rien, sans dire où il allait. Elle avait du se charger du journal seule, redonner confiance aux actionnaires, leur prouver que même sans son associé, elle saurait s’en sortir. Et puis elle s’était occupée de vendre la villa qu’il occupait sur Milany, puisqu’au final, c’était vers elle que la banque s’était tourné parce que monsieur Cole ne payait plus ses traites. Alors elle lui en avait voulu, terriblement, de l’avoir abandonné ainsi, alors même qu’ils venaient de vivre quelque chose d’intense, alors que le journal venait d’ouvrir ses portes.

Jenny avait fini par l’effacer de sa vie, mais le passé rattrapait le présent et la jeune femme commençait à craindre le pire. Ce si long silence trouverait bientôt une explication mais pas du genre auquel elle avait pensé.

* * *

Quelques heures plus tard, elle obtenait les réponses à ses questions, et cela n’était pas pour la rassurer. Les guérilleros sur les photos faisaient sans doute partie d’un groupuscule du C.A.R, mouvement reconnu et réputé terroriste de Colombie.. Elle pouvait bien alors envisager le pire. Le journaliste abattu était un dénommé Nicolas Dantes, reporter pour un grand quotidien français.

Après plusieurs appels. Après avoir informé la famille du défunt de la nouvelle, il s’agissait de faire paraître un premier article et surtout les fameuses photos, en évitant seulement les clichés trop sanglants. Jenny à son bureau, observa une énième fois la date du tampon de la poste. Les photos avaient été envoyées, il y avait plusieurs mois déjà. Qu’était-il devenu entre temps?

56. Anne Dudley: We are not ennemies

Debout devant la baie vitrée de son bureau qui surplombait le centre ville de Heaven, la journaliste et rédactrice du journal avait ses pensées bien loin de là, vers un homme qui avait tout abandonné par goût du risque, par amour pour son métier, mais aussi par esprit de revanche, revanche qu’il avait toujours désiré prendre sur ceux qui avait dénigré son travail à ses débuts, ceux qui n’avaient pas su voir en lui, l’artiste, le talent du véritable reporter..

Et aujourd’hui, Jenny venait d’apprendre que cela l’avait sans doute mené bien trop loin. Il s’était engagé dans une quête de l’impossible, l’interview que tous auraient rêvé décrocher mais qui pouvait se payer du prix le plus cher qui soit, la vie.. N’avait-il pas un instant songé à elle avant de prendre une telle décision? En fait, Jenny ne le réalisait que trop à présent, elle n’avait pas voulu l’enfermer dans une relation trop vite devenue monotone pour cet homme de terrain, et elle-même avait bien trop d’ambition pour songer n’était-ce qu’un instant à se fixer avec cet homme. Alors elle pouvait autant se blâmer que lui de l’avoir laissé partir, sans même lui avoir dit quoique ce soit, sans lui dire qu’elle tenait au moins un peu à lui.. Et aujourd’hui, il était peut-être trop tard..

Jenny ferma les yeux…*Non.. tu n’as pas le droit de penser ça…..jusqu’à preuve du contraire, tu dois y croire, tu le reverras bientôt.. oui…bientôt!*

Anne Dudley: Assignement

La sonnerie du téléphone la fit sursauter. Elle se tourna pour décrocher:

- oui?
- Il y a un certain Pierce Garison qui désire vous parler.
- Pierce Garison? Je ne connais personne de ce nom.. Il est là?
- non il est en ligne..
- ok, passe-le moi..

Jenny entendit un déclic à l’autre bout du fil, Sarah était en train de transmettre l’appel sur sa ligne.

- allo, mademoiselle Saunders?
- oui, c’est moi.
- Je suis Pierce Garison, délégué aux affaires étrangères pour le gouvernement.

La jeune femme s’agita nerveusement, elle n’aimait pas trop avoir ces gens sur le dos.

- Que me vaut ce plaisir?
- J’ai découvert votre article ce matin dans le Heaven Times.

Et même si elle se doutait de quel article il parlait, Jenny continua sur un ton détaché.

- un article? Ce n’était pas ce qui manquait dans le journal, pourriez vous me préciser duquel il est question?
- vous le savez parfaitement.. Vous avez publié des photos qui auraient du être remises au gouvernement des Etats-Unis.
- Si vous les voulez, je vous les cède volontiers. Elle se moquait de lui et au soupir excédé qu’elle perçut, elle sut qu’il l’avait deviné.
- J’enverrai des hommes pour les récupérer et aussi tout ce que vous avez pu recevoir de… ce journaliste.
- Ethan Cole.
- Oui monsieur Cole. Mais je dois vous dire que le fait d’avoir publié ces images, contrarie fortement le gouvernement. Il aurait été mieux de nous en parler auparavant.
- Je les ai reçu à l’adresse du journal, elles m’étaient adressée, et rien ne m’empêchait de les publier.
- je ne dis pas le contraire.. Mais notre gouvernement est en ce moment en relation avec le gouvernement colombien, avez-vous songé aux répercussions que cet article et ces photos pourraient avoir sur ces relations?

Jenny commençait à comprendre ou il voulait en venir. Toujours ces mêmes histoires politiques.

- Je n’en ai que faire, mon ami est parti là-bas dans l’intention de faire cette interview, et il m’a envoyé le fruit de son travail en demandant expressément à ce que ses photos soient publiées. Je n’ai fait que répondre à ses attentes et rien que la loi ne m’interdise. A présent si cela contrarie vos projets, j’en suis désolée pour vous.

Bien entendu, il n’en était rien. Il y a eu un silence à l’autre bout du fil, puis l’homme répondit:

- Il y a quelque chose que vous ne savez pas encore, mademoiselle Saunders.

Jenny n’aima pas du tout le ton sur lequel l’autre lui avait annoncé ça. Jusque là, assise sur le bord de son bureau, elle se redressa, sentant l’angoisse naître dans sa poitrine.

- Nous avons reçu dernièrement un rapport nous indiquant que deux journalistes étaient retenus en otage par les CAR qui comme vous le savez, sont de dangereux terroristes.

Jenny accusa le coup, sans réagir, se refusant de lui donner ce plaisir. Il continua.

- A présent nous savons grâce à ces photos que l’un des deux a été abattu…ce qui change la donne pour marchander leur libération auprès des CAR.

Il venait de donner le coup de grâce. Jenny se laissa tomber dans son fauteuil, blême. C’est d’une voix éteinte qu’elle ajouta:

- vous pouvez passer, enfin vous ou vos hommes quand vous voudrez, je vous donnerai toutes les infos que j’ai…

Et elle raccrocha.