petit village à côté d'Erice - Sicile

Lucrezia regardait sa fille jouer dans le parc.
Elle avait installé cette sorte de « cage » en plastique dans la bibliothèque dont elle avait fait son lieu de retraite.

Deux semaines en Sicile déjà. Comme si jamais elle n’avait quitté l’île.

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Qui c’était ?

Daniele caressait son genou alors que Lu raccrochait. Elle lui asséna une tape sur la main.

Ne sois pas si familier. C’était Cori. Je dois faxer un message à Samuel.

Elle se leva et fila à l’arrière du jet. S’enfermant dans la zone de travail, elle avait pris soin de se tenir aussi loin de Daniele que possible. Greg n’était pas venu. Elle ne lui avait même pas dit au revoir.
Son cœur se serra. Sous ses pieds, la soute où reposait sa famille. Elle se signa et fit une prière silencieuse.

Elle songea à Cori, seule sur l’île. Elle ne l’aidait pas vraiment. Elle ne pouvait pas. Elle devait déjà s’aider elle.


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Sur le tarmac de l’aéroport de Palerme, la presse l’avait mitraillé de photos. Une conférence succincte.

Les motifs de sa visite étaient clairs : saluer les familles des victimes italiennes – ce qu’elle avait fait le premier jour – et aider sa sœur à reprendre une vie normale.

Isabella allait vivre quelques temps chez un oncle. Lucrezia s’était installée chez l’oncle Antonio. La maison lui appartenait mais son oncle était un vieux garçon. Il gérait les affaires de l’île pour elle.

Il avait même organisé l’enterrement. L’île avait été vérouillée pour l’évènement. Tous les grands politiciens avaient été payés des ponts d’or pour que l’île soit terre de Cosa Nostra ce jour là.


Pour l’enterrement, toutes les grandes familles mafieuses avaient été conviées à se recueuillir. Quelques soient les luttes et les haines, un tel drame était un scandale. Les familles cherchaient les responsables de l’attentat. Quand on avait une dent contre l’un d’eux, on l’assassinait. On ne tuait pas autant d’innocents.
Une sorte d’Union Sacrée avait lieu. On enterrait l’un des leurs. On compatissait à la douleur et au déchirement d’une des femmes les plus puissantes.

Le regard de Lu pendant tout l’enterrement était resté vide, presque blanc et aveugle.
Alors que l’évêque récitait les derniers psaumes, elle avait manqué de défaillir. Elle s’était raccrochée à Daniele et Snivi comme ses bouées. Ses bienfaiteurs.

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Ma !

Lucrezia leva les yeux d’un rapport d’analyse sur l’état de la voiture. Cori lui en avait envoyé une copie.

Sa fille tentait de s’asseoir. C’était d’un tel comique que Lu éclata de rire.

Mamama !

Leonora gazouilla gaiement. Elle disait mama… Elle parlait déjà italien. Lu la prit dans ses bras et la serra fort à l’étouffer, des larmes perlant au bord de ses yeux.

Mon ange. Mon trésor. Nous sommes si seules. Ton père ne nous appelle même pas.

Elle reposa le bébé dans le parc et regarda le jardin. Tout était si différent de Heaven. La végétation était beaucoup plus courte mais tellement plus chaude aussi. Et puis cette langue chantante.

Un jour il faudra songer à rentrer malgré tout.

Lucrezia sursauta. Ici elle se sentait tellement en confiance. Elle ne craignait aucune attaque.
Samuel la regardait, mains dans les poches, un air nonchalant.
Lucrezia ignora sa phrase.

Le soleil italien te fait du bien Sam. Tu as pris des couleurs. C’est ça de ne pas rester dans ton bureau.

Au contraire de toi.

Il posa ses fesses sur le rebord du bureau, les bras croisés. Il la regardait s’amuser avec sa fille.

Désolée de vous déranger. Il est l’heure de sa sieste.
Oui tu as raison Rachel. Tu as l’air fatigué dis moi.
C’est quand la dernière fois que tu as gardé les enfants de Snivi toi ?


Tous se mirent à rire et Rachel disparut avec le bébé. Lucrezia se positionna face à Samuel. Ses yeux pétillaient.

Tes neveux sont des tornades. Comme leur tante.
Tu as quelque chose à reprocher à leur tante ?
Non rien… Sauf qu’elle est gouverneur et se planque chez elle, loin de tous ceux qui l’aiment. Tu ne parles pas à ton mari, tu ignores Snivi, tu exiles Daniele à Heaven à peine 10 minutes après ton arrivée ici…
Qui m’aiment ?

Lucrezia poussa ce qu’elle avait voulu être un rire sarcastique et qui finalement n’était qu’un grognement.

tu confonds.
Je confondrais quoi.

Lucrezia s’approcha de lui. Elle était pied nus. Elle frôla la cheville de Samuel et remonta doucement. Elle se rapprocha encore. Doucement. Elle se plaqua à lui.

Tu confonds amour et sexe. Regarde. Là tu me désires. Mais est ce que tu m’aimes hein ? Sois honnête.
Je vous dérange ?

Lucrezia fit un pas en arrière, passa une main nonchalante dans ses cheveux et regarda son oncle.

Du tout Antonio. J’expliquais certaines… nuances à Samuel.
Je vois ça. J’aimerais que tu m’accompagnes Lucrezia. Nous devrions parler.
Je te suis. Nous reparlerons de tout ceci plus tard Sam !

Ambiance !


Lucrezia glissait sur le parquet de la villa. Cette maison n’était faite qu’en bois. Souvent on entendait des craquements. Jamais elle n’avait eu peur, contrairement à Isabella.
Alors qu’elles étaient toutes petites, Lu lui avait même dit qu’au moins elles entendraient venir des ennemis et que ça leur laisserait le temps de les tuer.

Vingt cinq ans plus tard, elle regretta de ne pas avoir abattu tous ces ennemis.

Elle entra dans ce qui fut un temps le bureau de sa mère. C’était là qu’elle organisait toute la vie de la maison et de la famille. L’homme ramenait l’argent et sa mère était une parfaite hôtesse de maison.

Elle s’installa dans un fauteuil. Dans cette pièce son oncle était le chef. Elle aurait préféré aller dans le bureau de son père. Enfin le sien désormais. Là elle aurait été le chef. Le seul et l’unique.

Ça te prend souvent ?

Elle esquissa un sourire en coin. Ainsi il jouait les prudes ?

Je ne comprends pas de quoi tu parles mon oncle.
Tu es une femme mariée ! tu te dois d’être fidèle.
les hommes le sont ils jamais ?
Non. Mais tu es une femme.
Avant d’être femme, je suis chef. Et par là j’ai disons, le devoir de m’imposer. Si ça passe par de multiples amants, ça ne regarde que moi.
Tu mourras comme le cousin Dino ! Le pantalon au bas des pieds.

Lucrezia éclata de rire.

C’est une belle mort. Mais je ne porte que des jupes désormais. C’est tout ce que tu voulais ?
Non. Avec l’attentat qui visait sans doute ton frère, c’est l’Union Sacrée Lucrezia. Il est l’heure de recevoir l’hommage avant de retourner sur ton île gouverner et gérer les affaires.

Il posa une main sur son épaule. Il se voulait gentil et donner un conseil, mais à l’évocation de son retour, Lu se tendit.

Tu fais bien de déléguer. Tu as des hommes efficaces à tes pieds. Mais prends garde. Je sens la trahison quelque part.
Elle est partout mon oncle.

Lucrezia se leva et ajusta sa jupe.

Et quand à lieu cet hommage ?
Maintenant. Dans le bureau de ton père.

Maintenant ? Elle se mit à rougir. C’était pas prévu comme ça ? Si ?
Elle passa une main floue dans ses cheveux et vérifia que sa tenue n’était pas trop froissée. Elle réalisa alors qu’elle était pieds nus. Elle courut à la bibliothèque.

Quoiiiiiiiiii ?

Samuel la regardait un grand sourire aux lèvres ce qui eut le don de l’exaspérer.

Vous semblez timide d’un coup. J’ai été surpris. J’ai essayé d’imaginer une mafieuse, gouverneur prometteur d’une île entière atteinte de timidité. C’est très mignon.

Lucrezia le fixa incapable de trouver une réponse appropriée.

Réunion. Hommage. Important.

Il eut un rire de gorge charmant.

J’aime votre concision.

Il s’approcha alors qu’elle ajustait ses talons aiguilles.

Je sais ce qui t'attend. Bonne chance.

Il déposa un léger baiser au coin de ses lèvres et la fit pivoter. Une claque sur les fesses :

Allez filez !

Elle allait lui rétorquer qu’elle n’avait pas à obéir mais les pontes de la mafia ne tolèreraient pas le moindre contre temps.

Elle entra dans le bureau la tête haute.

Messieurs.

Six hommes se levèrent de concert et inclinèrent brièvement la tête. A leur côté, leur second, leur fils, leur héritier ou autre. En tout et pour tout une vingtaine d’hommes. Si jamais la police faisait une rafle à ce moment la mafia ne se serait jamais relevée du coup porté. Il fallait donc faire vite.

Lucrezia.

Un homme très âgé… Qui était déjà vieux quand elle n’était qu’un bébé, prit la parole. Personne n’osa souffler un mot.

Toutes nos condoléances pour ton frère et sa famille. La Règle a été bafouée. Nous te suivrons. De toute façon…

Il leva les mains au ciel.

Je suis resté fidèle à notre île. Tu le sais. Mais tu es un exemple pour la nouvelle génération. Tu n’as jamais abandonné notre île. Tu es revenue ici. Sur la terre de tes ancêtres pour y laisser ton frère reposer.

Tu as ma confiance Lucrezia, et ma bénédiction. Mes terres restent miennes. Mais je suis sous tes ordres désormais.

Chacun des pontes dit à peu près la même chose. En dix minutes la séance était bouclée et Lu soupira d’aise au fond de son fauteuil.
Elle devenait sans doute l’une des plus grands chefs de la mafia italienne. Son influence dans le Milieu s’étendait comme une toile.
Elle songea un moment qu’il serait bon que le territoire de Juliana et le sien fusionne. L’héritier serait alors tout puissant.

Ça s’est bien passé ?

Par la porte entrouverte, Samuel regardait Lu une lueur espiègle dans les yeux. Elle s’en amusa. Il semblait plus… familier depuis qu’elle s’était collée à lui. Comme quoi même les hommes avaient besoin d’encouragements.

Très bien. Tout comme j’aime.

Elle recula le siège et le colla contre la vitre du jardin. Elle tourna la tête en direction du parc comme si elle se contrefichait de la présence de Sam. Pourtant il méritait une bonne leçon.

Ravi de le savoir.

Lucrezia se regarda. Il avait changé de place. Il était adossé au bureau, juste devant elle. Ses jambes étendues pouvaient le toucher. Elle releva les yeux et afficha un petit sourire.

On continue ?

Le téléphone portable vibra. Lu le sortit de sa poche.

On continue quoi donc ?
Où on s’en était arrêté tout à l’heure.

Elle rit.

Vous êtes tous pareils. Il n’y a que le sexe qui compte. Mais moi je passe pour la pire des salopes.
Tu vaux mieux que ça. Laisse moi te montrer.
Ok…

Il glissa à genoux sans lui laisser plus le temps de réagir et captura ses lèvres pendant que ses mains partaient à la découverte de son corps. Il relevait déjà sa jupe et sa bouche glissait irrémédiablement… plus bas.

Lucrezia en profita pour écouter ses messages. Le sexe au téléphone. Rien de tel.

Elle fit soudain un saut de carpe. Au moment où elle avait entendu la voix de Greg, il était… LA !

Quoi ?
Rien… Mon mari me gonfle. Boulet ! Mais continue je t’en prie.

Elle effaça le message de Greg et songea à lui faxer des nouvelles. Si elle était de bonne humeur elle lui enverrait peut être même un mail avec une photo de sa fille.

Fichtre, elle devait être sacrément excitée. Elle sentait déjà l’orgasme la terrasser. Tremblante, pleine de gratitude pour cet amant si doué, elle écouta le second message.

D’un bond elle était debout, pendant que Sam culbutait en arrière. Elle raccrocha, enjambait Sam.

Debout paresseux. On rentre.
Quand ?
Maintenant !

Dans l’avion, i-pod à fond, lucrezia écoutait de la musique en songeant à ce qui allait l’attendre à son retour sur Heaven.

Samuel avait fait une annonce officielle pour son voyage. La presse l’attendrait et son discours était déjà sur ses genoux. Elle avait eu le temps de l’apprendre par cœur.

Elle réfléchissait à ce qu’elle allait faire à son retour. Voir sa cousine. Traiter les affaires courantes même si elle les gérait déjà depuis la Sicile. Voir son mari aussi peut être. S’occuper du cas Samuel pourquoi pas.

Lu ?

Tiens… Quand on parlait du loup.
Samuel lui tendait un papier. Elle le prit, lut, et sourit franchement.

Très bon ça… Excellent même. Du bon travail.

Elle lui fit un clin d’œil et tourna les pages les unes après les autres.

Daniele ? Tu as parlé à Slobodan quand ?
Avant-hier. Il finissait de nettoyer le secteur nord. Plus aucune arme. J’sais pas comment il fait. Snivi l’accompagnait et il m’a dit qu’il trouvait des armes que même les pires truands n’auraient jamais cachées là.
Je vois … de l’excellent boulot quoi. Sam le planning de l’arrivée ?

Samuel sortit son agenda. Il en restait au papier encore.

Arrivée à 9h… Conférence jusqu’à 9h30. ensuite hôpital de 10h à 11h… Retour chez toi pour diner avec Holly Cash au sujet d’un projet pour refaire la Marina… expansion, modernisation, écologie… 15h, rendez vous avec le syndicat des policiers de l’île… au sujet du rapport que voici… 16h journée est finie. Libre à toi de retourner chez toi ou d’aller à l’hosto. Ou autre.

Lucrezia cilla un instant en entendant la dernière phrase. L’invite était claire.

Et mon mari ?
Présent au repas avec Holly Cash. Son emploi du temps se termine à 20h.
Ça me laissera quatre de repos alors. Je me demande ce que je vais faire.
Tu as besoin de suggestions ?
Hum… je te le redirai.

Elle remit ses écouteurs à fond et regarda sa montre. Elle avait encore deux heures de vol. autant en profiter pour dormir et se remettre vite du décalage horaire.